En trois ans, l'opération "Lavage-Express", qui a révélé des détournements des fonds ayant coûté plus de deux milliards de dollars au géant pétrolier a atteint les plus hautes sphères du pouvoir, menée depuis Curitiba (sud) au pas de charge par de jeunes procureurs et le juge de première instance Sergio Moro.
Le président conservateur Michel Temer fait face à de graves accusations de corruption passive et d'entrave à la justice et son mandat ne tient qu'à un fil. Ses principaux ministres sont visés par des enquêtes, ainsi que des dizaines de parlementaires.
Icône de la gauche sud-américaine, l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) est la cible de six procédures judiciaires et risque de se retrouver derrière les verrous.
Pour Daniel Vargas, professeur de droit public à la Fondation Getulio Vargas (FGV) de Rio de Janeiro, ces juristes, qu'ils le veuillent ou pas, "dictent aujourd'hui l'agenda politique".
Lors de leurs interventions publiques, ils ne se limitent pas à donner des avis techniques sur leurs décisions, mais partagent "leur vision du Brésil", visant le plus souvent "un seul ennemi: l'activité politique, gangrénée par la corruption", affirme Vargas.
'La politique au sens large'
Le politologue André Singer, conseiller en communication de Lula lors de son premier mandat, définit cette mouvance comme celle d'un "parti de la justice".
Un terme refusé par les principaux intéressés.
"Je ne crois pas qu'on puisse parler d'un +parti de la justice+", affirme Deltan Dallagnol, procureur de 37 ans qui coordonne l'opération "Lavage-Express", dans un mail envoyé à l'AFP.
Ses interventions et celles de ses collaborateurs dans des débats citoyens sont au demeurant "politiques, mais au sens large", cherchant à "influencer les politiques publiques anticorruption", mais pas au sens "partisan" du terme, affirme-t-il.
Le juge Moro, 44 ans, hissé par certains au rang de héros national, dément toute ambition politique. Ce qui ne l'empêche pas d'être une des deux uniques figures publiques capables de battre Lula au second tour d'une élection présidentielle, selon un sondage de l'institut Datafolha publié le 30 avril.
'Tradition d'impunité'
Silvana Batini, procureure de la République à Rio de Janeiro, considère que cette justice implacable est en train d'en finir avec une "tradition d'impunité de la criminalité en col blanc".
"Pour la première fois de notre histoire, nous avons brisé des barrières qui protégeaient toute une classe", analyse-t-elle.
Pour ce faire, les procureurs de l'opération "Lavage-Express" disposent de deux armes à l'usage controversé: les détentions provisoires et les "délations récompensées", confessions obtenues moyennant des remises de peine.
Temer a été épinglé par un enregistrement fait à son insu par un chef d'entreprise, remis par la suite à la justice.
Dans cet enregistrement, le chef d'État semblait donner son consentement au versement de pots-de-vins pour acheter le silence d'un ex-député aujourd'hui en prison.
Mouvement anti-establishment
L'an dernier, une centaine d'avocats a publié un manifeste comparant "Lavage-Express" à une "inquisition, ou une néo-inquisition", qui "ne respecte pas les droits fondamentaux des accusés".
Silvana Batini pense au contraire que les recours utilisés par Moro et les procureurs sont inscrits dans la Constitution, même si "certains aspects sont difficiles à accepter".
Elle compte cependant sur la Cour suprême, seule habilitée par ailleurs à juger les politiciens jouissant d'immunité, pour jouer les garde-fous et le rôle de "garant" des institutions.
Beaucoup de Brésiliens commencent à se demander qui sera capable de tirer son épingle du jeu après la tornade du 'Lavage-Express".
Des personnalités anti-establishment sont de plus en plus en vue dans l'optique de la présidentielle de 2018.
Parmi elles, le député d'extrême droite Jair Bolsonaro ou le chef d'entreprise Joao Doria, nouveau maire de Sao Paulo, célèbre pour ses sorties médiatiques et très critiqué récemment pour ses méthodes musclées pour lutter contre le fléau du crack.
"Dire que nous ne sommes pas inquiets serait un mensonge, mais le Brésil possède des institutions fortes", se rassure Mme Batini.
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