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A Hong Kong, une certaine nostalgie de l'ère coloniale

Des tramways à impériale qui sillonnent ses rues, ses champs de courses, son système judiciaire: l'héritage colonial britannique reste bien enraciné à Hong Kong.

A Hong Kong, une certaine nostalgie de l'ère coloniale
Un tramway décoré avec des photos du Parlement britannique, le 24 mai 2017 dans une rue de Hong Kong - Anthony WALLACE [AFP]

Et 20 ans après la rétrocession de la ville à la Chine aux termes d'un traité qui lui octroyait le statut de territoire semi-autonome, les emblèmes coloniaux sont devenus, dans certains cercles, des symboles de protestation.

L'ancien drapeau de la ville, orné de l'Union Jack, d'un dragon et d'un lion, est brandi pendant des manifestations contre Pékin comme pendant les matches de football.

De nombreux habitants ont le sentiment que la Chine se mêle de plus en plus des affaires de Hong Kong. Et face à l'intransigeance de la Chine en matière de réformes, une frange du camp démocrate s'est radicalisée et réclame l'indépendance.

Mais d'autres, comme Alice Lai, préfèreraient rejoindre à nouveau la couronne britannique. Cette artiste de 39 ans dirige un petit groupe de protestataires appelé Campagne pour la réunification HK-UK.

"Pendant près de deux siècles, Hong Kong et le Royaume-Uni ont coexisté dans un système éprouvé qui fonctionnait bien", dit-elle. "La Chine n'est tout simplement pas apte à gouverner Hong Kong, c'est une façon différente de penser, un mode de vie différent".

Le mécontentement est aussi alimenté par le fossé grandissant entre riches et pauvres et le manque criant de logements abordables alors que les investisseurs chinois font grimper les prix de l'immobilier.

Sarah Ng, retraitée de la banque, a le sentiment que les choses étaient "plus équitables" avant. "Ces 20 dernières années, la situation a changé. Le niveau de vie, les libertés des gens, c'est un désastre."

Londres a hissé son drapeau en 1841 sur "le rocher stérile" décrit par Lord Palmerston, durant la première guerre de l'opium contre la Chine, qui avait interdit ce trafic imposé par les commerçants britanniques.

Mémoire sélective

Les canonnières anglaises n'avaient fait qu'une bouchée des fortins chinois. Après la seconde guerre de l'opium, en 1860, la Grande-Bretagne avait récupéré la péninsule de Kowloon, sur le continent, puis avait poursuivi sa conquête vers le nord, dans les Nouveaux territoires, en 1898, grâce à un bail de 99 ans.

C'est l'expiration de ce bail qui est la cause directe de la rétrocession le 1er juillet 1997. Mais l'accord conclu par Londres et Pékin stipulait que Hong Kong devait conserver ses libertés et son mode de vie pendant 50 ans.

Aux yeux de l'historien John Carroll, Londres a "évité" en bonne partie "le genre d'abus" commis dans d'autres recoins de son empire.

Mais il explique la nostalgie actuelle par les dernières années de l'ère britannique: durant les années 1980 et 1990, Hong Kong a connu la prospérité et les réformes démocratiques. La ville rayonnait culturellement à l'étranger, avec des réalisateurs comme John Woo ou Wong Kar-wai, voire les films de kung fu de Bruce Lee.

Quitte à oublier que tout n'était pas rose.

En 1967, des Hongkongais s'étaient révoltés contre le colonisateur et les violences avaient fait 51 morts. Les arrestations s'étaient multipliées de même que les passages à tabac de protestataires par la police.

Les réformes démocratiques sont arrivées tardivement et n'étaient que partielles, souligne l'historien.

"Il est ironique que les gens demandent le retour de Hong Kong dans le giron britannique, vu que le Royaume-Uni a privé le peuple de Hong Kong de ses droits pendant si longtemps".

Peter Tsang, un ancien infirmier qui fut emprisonné pour son rôle dans les émeutes de 1967, est irrité par ceux qui idéalisent le passé.

"Je suis extrêmement content que les Britanniques soient partis", dit M. Tsang, 66 ans.

'Pas mieux'

"Les gens disent que c'était mieux du temps de la colonie mais c'est tout simplement parce qu'ils ont zéro expérience. La plupart sont très jeunes".

Quand le drapeau colonial a commencé à ressurgir, Chen Zouer, ancien responsable chinois qui avait participé aux négociations sur la rétrocession, a appelé les habitants à se défaire de leur passé colonial.

Mais quand voici deux ans la poste hongkongaise a voulu masquer les insignes britanniques sur les boîtes aux lettres, elle a provoqué un tollé parmi les défenseurs du patrimoine.

Ces derniers s'étaient également enchaînés au Queen's Pier -- l'embarcadère où débarquaient jadis les dignitaires britanniques -- pour tenter, en vain, d'empêcher sa démolition en 2007.

Albert Lam, ex-officier de l'armée britannique, avec 24 années de carrière à son actif, organise des exposés sur la défense du territoire par les Britanniques contre le Japon en 1941.

"De plus en plus de gens s'intéressent à la propre histoire de Hong Kong", raconte ce Hongkongais de 65 ans, aujourd'hui logisticien dans une université.

M. Lam n'est "pas inquiet pour l'avenir" de la ville qui joue toujours le rôle de porte d'accès entre le continent et le reste du monde.

Les manifestations de masse des dernières années témoignent selon lui de libertés qui perdurent et n'auraient pas été tolérées par le colonisateur britannique.

"Les Hongkongais n'ont pas de ressentiment envers les Britanniques. Mais je ne dirais pas pour autant que les Britanniques étaient beaucoup mieux que les Chinois".

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