D'une voix ferme, qui se brisait par moments, cette avocate de 59 ans a accusé cette semaine les militaires d'avoir fait plus de 500 blessés et causé la mort d'un jeune homme lors des manifestations hostiles au président socialiste.
"Plus de la moitié des blessés sont dus à l'action des forces de sécurité. Cette exacerbation de la violence est inquiétante", a déclaré la procureure générale.
Par ailleurs, selon Mme Ortega, le décès de Juan Pernalete, un étudiant de 20 ans tué lors d'une manifestation à Caracas le 26 avril, est imputable à un membre de la garde nationale militarisée.
Le jeune homme est mort d'un "choc cardiaque dû à un traumatisme au thorax. Il a été touché par un objet comme celui-ci", a-t-elle dit en montrant une grenade lacrymogène. Le gouvernement avait affirmé que le manifestant était décédé après avoir été touché par un objet métallique.
En bientôt deux mois, depuis le 1er avril, cette vague de protestations a fait près d'une soixantaine de morts.
Contactée par l'AFP, Mme Ortega n'avait, pour l'heure, pas donné suite aux demandes d'interview.
Depuis, cette femme au centre de la machine judiciaire vénézuélienne est devenue une héroïne de l'opposition. Freddy Guevara, le vice-président du Parlement, seul pouvoir public détenu par les antichavistes (du nom du défunt ex-président Hugo Chavez, 1999-2013), a qualifié sa déclaration d'"historique".
La procureure générale apparaît comme la seule voix critique au sein du camp présidentiel: elle s'était élevée contre la décision fin mars de la Cour suprême, réputée proche du chef de l'Etat, de s'octroyer brièvement les pouvoirs du Parlement, dénonçant une "rupture de l'ordre constitutionnel".
Cette manoeuvre a été l'étincelle déclenchant la vague de manifestations et de violences pour obtenir le départ du président.
- 'Traîtresse' -
Mme Ortega a aussi dénoncé le recours aux tribunaux militaires à l'encontre des civils arrêtés lors des protestations et critiqué le projet du chef de l'Etat de réformer la Constitution, se payant même le luxe d'accorder un entretien au Wall Street Journal où elle condamne la "répression".
Pourtant, Luisa Ortega semble bien seule. Aucun autre hiérarque du chavisme n'est sorti du rang depuis et les critiques du camp présidentiel n'ont pas tardé à apparaître.
Le numéro deux du pouvoir, Diosdado Cabello, l'a qualifiée de "traîtresse" à la télévision. Pedro Carreño, un député chaviste, a écrit sur Twitter: "Elle fait de la peine à voir Luisa Ortega".
Mais même s'il le souhaitait, Nicolas Maduro ne pourrait pas destituer la procureure générale, en poste depuis 2007. Le Parlement, alors contrôlé par le pouvoir, l'a reconduite en 2014 jusqu'en 2021.
"Je demande pardon à la révolution d'avoir désigné Luisa Ortega Diaz (...) J'ai était un de ceux qui l'ont défendue et j'ai dû convaincre certains compagnons", s'est lamenté cette semaine Diosdado Cabello, qui présidait alors le Parlement.
Mme Ortega, qui est mariée à un député chaviste, fut proche de M. Chavez depuis sa campagne présidentielle de 1998, alors qu'elle travaillait dans un cabinet d'avocats dans l'Etat d'Aragua (nord).
En 2002, elle rejoint le ministère public car "il l'aimait bien", raconte à l'AFP un journaliste spécialiste des thèmes judiciaires qui la connaît depuis des années. Il en parle comme d'une femme avec un "grand sens politique".
Par le passé, Mme Ortega a été accusée par l'opposition de prendre des décisions favorables au gouvernement, notamment à propos de la condamnation de la figure de l'antichavisme Leopoldo Lopez, qui purge une peine de 14 ans de prison pour incitation à la violence lors de la vague de manifestations anti-Maduro de 2014, qui ont fait officiellement 43 morts.
Mais depuis fin 2016, la lune de miel avec le pouvoir semble terminée.
Pour le politologue Nicmer Evans, chaviste critique de M. Maduro, Mme Ortega "est une femme qui se tient droite, qui assume ses positions, quels qu'en soient les risques".
"Elle représente le chavisme digne, démocratique, face aux prétentions totalitaires du madurisme", assure-t-il.
A LIRE AUSSI.
Venezuela: un mort lors d'une manifestation massive de l'opposition
Venezuela: le recours aux tribunaux militaires contre des civils dénoncé
Venezuela: un mort et de nombreux heurts lors d'une manifestation
Venezuela : marches anti et pro-régime sous haute tension
Crise politique au Venezuela: les deux camps à nouveau dans la rue
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.