L'intime coopération en matière de renseignement entre les deux alliés a porté ses fruits à de multiples reprises face à la menace grandissante des attaques de groupes jihadistes contre les pays occidentaux.
C'est la raison pour laquelle, lorsque le jeune kamikaze a fait exploser sa bombe à l'issue d'un concert d'Ariana Grande, faisant 22 morts, les autorités britanniques ont immédiatement partagé ce qu'elles savaient avec les responsables du FBI et de la CIA basés à Londres.
Les détails de l'attaque se sont rapidement répandus dans les canaux transatlantiques des unités de lutte contre le terrorisme à Washington, qui ont exploité leurs réseaux et leurs bases de données pour voir ce qu'ils pouvaient apporter à l'enquête britannique.
"C'est évidemment la relation entre services de renseignement la plus proche du monde. Et quand quelque chose comme ça se produit, les robinets s'ouvrent", explique un diplomate européen à Washington.
Indignation
Mais lorsqu'il est apparu que des responsables américains avaient divulgué aux médias des informations sur l'attaque - le fait qu'il s'agissait d'une attaque suicide, le nom du kamikaze, Salman Abedi, des photos de fragments de la bombe prises par la police - leurs homologues britanniques l'ont très mal pris.
Londres a qualifié ces fuites de violation de la relation de confiance et a brièvement suspendu le partage d'informations. La Première ministre Theresa May a directement interpellé le président américain Donald Trump, en marge d'un sommet de l'Otan à Bruxelles, sur le fait que le partage en matière de renseignement doit être "sécurisé".
Donald Trump a rapidement tenté de limiter les dégâts, promettant d'enquêter sur les fuites et de poursuivre les responsables en justice si nécessaire, et dépêchant son chef de la diplomatie à Londres pour une visite de "solidarité" avec l'allié le plus proche des Etats-Unis.
"Nous assumons toute la responsabilité", a déclaré vendredi le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson aux journalistes.
"Cette relation spéciale qui existe entre nos deux pays résistera certainement à cet événement particulièrement regrettable", a-t-il ajouté.
La réprimande britannique est d'autant plus embarrassante que Donald Trump lui-même est accusé d'avoir partagé avec le ministre russe des Affaires étrangères des informations classifiées - présumées fournies par Israël - sur de possibles attentats du groupe Etat islamique.
Bureaucratie massive
Le Conseil des chefs de la police de Grande-Bretagne a averti que les fuites risquaient d'éroder la confiance avec les Etats-Unis, fustigeant la "divulgation non autorisée de preuves potentielles au milieu d'une importante enquête contre le terrorisme".
Jeudi en fin de journée, la relation entre Londres et Washington semblait toutefois de retour sur la bonne voie.
"Après avoir reçu de nouvelles assurances, nous travaillons maintenant étroitement avec nos partenaires clés dans le monde entier, y compris tous ceux de l'alliance du renseignement +Five Eyes+", a déclaré Mark Rowley, le responsable britannique de la lutte contre le terrorisme.
Les Etats-Unis et le Royaume-uni font partie de la puissante alliance des "Five Eyes", avec l'Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande.
Pour l'heure, l'identité des auteurs de ces fuites reste inconnue.
En 2001, les attentats du 11-Septembre ont mis en évidence une pratique connue sous le nom de "stovepiping", lorsque différentes agences échouent à partager des informations cruciales, avec des conséquences parfois mortelles.
Depuis cette date, Washington s'est attaché à faire tomber les murs de la bureaucratie, explique Jeffrey Ringel, agent du FBI pendant 21 ans et maintenant directeur du Soufan Group, une agence de consultants en sécurité et renseignement.
En quelques heures, les informations sur Manchester ont pu être vues par des centaines de personnes à travers la bureaucratie massive du renseignement au sein du gouvernement américain, augmentant d'autant la possibilité de fuites.
Jeffrey Ringel estime que de telles fuites "nuisent à la coopération entre partenaires" et n'ont aucune justification réelle.
"Personne dans le grand public n'a besoin de connaître le nom de l'assaillant, personne dans le grand public n'a besoin de connaître les composants de la bombe", dit-il.
De plus, cet incident entre Londres et Washington survient à un moment délicat pour le partage de renseignements.
Le Brexit pourrait compliquer la coopération des Britanniques en matière de sécurité avec les pays de l'Union européenne.
Si ces fuites continuent, M. Ringel craint que les pays ne reviennent aux vieilles habitudes, quand chacun gardait jalousement sa petite partie d'un grand puzzle: "Non seulement cela aurait des conséquences sur les enquêtes, mais cela peut aussi mettre des vies en danger".
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