"Magnum Manifesto", qui s'ouvre vendredi au Centre international de la photographie (ICP), se veut différente des précédentes expositions consacrées à Magnum, qui consistaient essentiellement en un échantillon des clichés les plus célèbres de l'histoire de l'agence.
James Dean marchant dans Times Square, Pablo Picasso abritant Françoise Gilot sous un parasol, Marilyn Monroe sur le tournage des "Désaxés", certains tirages de Magnum ont fait le tour du monde et se sont inscrits dans la mémoire du XXe siècle.
"L'un des enjeux, c'était d'essayer de définir l'esprit Magnum", explique Clément Chéroux, l'un des deux conservateurs de l'exposition.
Elle s'y emploie à travers des photos, bien sûr, mais aussi en reprenant des citations des photographes eux-mêmes, dont Robert Capa et Henri Cartier-Bresson, les deux figures emblématiques de l'agence, dont le centre de gravité se situe quelque part entre Paris et New York, ses deux bureaux historiques.
Magnum est une "utopie photographique", disait le Français Henri Cartier-Bresson, "une construction d'observateurs". C'est aussi un collectif à l'ambition clairement affichée, résumée dans son nom, "Magnum", grand en latin.
Coopérative de photographes marqués par la Seconde guerre mondiale, l'agence se veut porteuse depuis toujours de valeurs humanistes, très présentes durant ses premières années d'existence.
La série "Generation X", réalisée au début des années 50 et qui s'intéressait à des jeunes gens de plusieurs pays du monde, illustrait ainsi cet idéal d'égalité, d'aspirations communes.
Mais ses photographes chercheront aussi, plus tard, à évoquer la différence, en consacrant des reportages aux malades mentaux ou aux drogués, souligne Clément Chéroux.
Une aura qui fascine
L'agence s'efforce aussi de ménager urgence de l'actualité et vision artistique du monde, non sans difficulté, avec des photographes aux personnalités parfois très affirmées.
S'y ajoutent d'autres sources de tension, notamment celle liée à la photographie d'entreprise, méprisée par certains mais qui permet de diversifier les sources de revenus de cette coopérative totalement indépendante.
Pour Clément Chéroux, "c'est parce qu'ils arrivent à tout faire en même temps, une chose et son contraire, qu'ils parviennent à tenir".
Les difficultés de la presse, qui ont fait chuter les revenus, et une certaine banalisation de la photo avec le passage au numérique, ont en effet ébranlé le secteur ces dernières années.
L'agence Gamma a déposé le bilan en 2009 avant d'être rachetée par le photographe François Lochon, tandis que Sygma et Sipa ont été mises en liquidation, en 2010 et 2012 respectivement.
Même si elle a vacillé, Magnum a survécu grâce à sa diversification, engagée très tôt par Robert Capa.
Commandes d'entreprise, expositions diverses, édition avec de nombreux livres, tirages d'art, l'agence est multiple.
"Cela reste précaire", observe Clara Bouveresse, l'autre conservatrice de l'exposition, auteure d'une thèse sur Magnum. "C'est un grand défi aujourd'hui de trouver un modèle économique viable pour les photographes."
Si Magnum tient toujours, c'est aussi parce que ses fondateurs se sont battus farouchement pour la reconnaissance du droit d'auteur, dont bénéficiaient très peu de photographes de presse avant 1947.
Soixante-dix ans après sa création, le 6 février 1947 autour d'une bouteille de champagne au musée d'art moderne de New York (MoMA), l'agence emploie toujours 49 photographes et demeure inscrite dans son époque. Une longévité inégalée pour une agence exclusivement photo.
"Cette agence a une forme d'aura qui fascine les jeunes générations", explique Clara Bouveresse.
"L'enjeu pour les jeunes photographes qui veulent rejoindre Magnum", dit-elle, "c'est à la fois de s'inscrire dans la continuité, de partager les valeurs humanistes qui sont encore assez présentes, mais en même temps de proposer quelque chose de nouveau."
L'exposition se terminera à New York le 3 septembre et se rendra ensuite à Rome et à Berlin avant un possible détour par la France.
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