A l'accueil de la clinique, Marjorie Mao, 24 ans, attend son tour. Quelques heures auparavant, la jeune bretonne a appelé le centre de soin après avoir trouvé une pie blessée à une patte, en bord de route. L'oiseau, protégé dans une boîte en carton, est confié à Didier Masci, soigneur en chef.
Avec sa compagne, il a créé le centre "Volée de piafs" qui depuis 10 ans soigne "tout animal sauvage en détresse". "Comme pour un hôpital pour humain, on ne fait pas de différence", explique-t-il.
Ainsi, ce jour-là défilent dans ce centre de neuf hectares situé à Languidic près de Lorient une chouette hulotte, des renardeaux, ou encore un bébé chevreuil déposé par un agriculteur.
A l'accueil, Vanessa Koroloff tient entre ses mains un pigeon blessé. "J'ai eu un pincement au coeur alors je l'ai amené", raconte-t-elle, après avoir parcouru plus d'une heure de route. Une fiche de soin est créée et l'une des soigneuse emporte l'oiseau baptisé "Kum Quat" à l'infirmerie qui déborde déjà.
L'an dernier, le centre a reçu 3.030 animaux de 112 espèces différentes: 288 hérissons, 717 goélands, 261 chouettes, mais aussi cinq phoques, loutres, chauves-souris, veaux marins..., devenant le plus gros centre de sauvegarde de faune sauvage de France et l'unique en Bretagne.
"En ce moment, c'est le premier biberon du chevreuil à 06H00 du matin et la plage horaire des soins s'étend jusqu'à 23H00, 7jours/7". "C'est de la folie!" assure Didier Masci, "marqué par la marée noire de l'Erika" en 1999.
'Guillemot mazouté'
"J'habitais à Etel (Morbihan) à cette époque et j'ai donné un coup de pied dans une énorme boulette de fioul. Je me suis rendu compte que c'était un guillemot mazouté vivant. A partir de là, ça été un changement de vie complet", confie ce restaurateur de meubles anciens de 62 ans originaire de la région parisienne.
Il s'interrompt pour répondre à un nouvel appel. Le centre en reçoit entre 20 et 80 par jour. Au bout du fil, une femme s'inquiète: "J'ai récupéré un accenteur mouchet (une espèce d'oiseau, ndlr) des griffes de mon chat. Est-ce que cela vaut le coup que je vous l'amène?"
Après quelques questions, le soigneur lui conseille de "le mettre au chaud dans un carton avec une bouillotte et le nourrir de croquettes gonflées à l'eau à l'aide d'une pince à épiler".
A Volée de piafs, l'activité ne désemplit pas, les volontaires venus de toute la France s'affairent pour répondre au téléphone, soigner, et nourrir les animaux en détresse.
"C'est la course", témoigne Noëlle Ahr, en service civique pour un an. La Nancéienne de 26 ans a choisi ce centre car "ils acceptent les animaux, quels qu'ils soient". Piaillement et hululement se confondent dans cette clinique de fortune où règne un esprit de colonie de vacances.
Malgré l'enthousiasme des bénévoles, la pérennité du centre reste fragile. Faute d'argent, il a fermé ses portes en février, provoquant un élan de solidarité.
"Les gens nous envoyaient de l'argent", raconte Marie Masci, la cofondatrice. Plus de 40.000 euros seront collectés pour un budget de fonctionnement s'élevant à 160.00 euros en 2017. Sollicitées, les collectivités finiront par leur octroyer des subventions exceptionnelles.
Depuis sa réouverture il y a quelques semaines, la routine a repris à Volée des piafs. Et comme chaque début d'après-midi, un rituel s'organise: soigneurs, bénévoles et quelques particuliers se rassemblent pour le départ de l'un des pensionnaires du centre.
Un faucon crécelle, arrivé après s'être fait renverser par une voiture, est "prêt à être relâché" après 15 jours de soins. Didier Masci installe entre ses paumes le faucon. Après quelques hésitations, l'oiseau s'élance.
"Le remerciement, c'est quand il s'envole. C'est un grand plaisir à chaque fois", se réjouit le soigneur.
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