Un déluge de gaz lacrymogènes lancés par les forces de l'ordre a bloqué les manifestants - environ 20.000 selon les estimations de l'AFP -, qui tentaient, avec des membres de la Fédération médicale vénézuélienne (FMV), de rejoindre le ministère de la Santé pour y dénoncer la situation "catastrophique" des hôpitaux.
Manifester, "c'est la seule possibilité que nous ayons. Si j'ai peur? Cela fait plus peur de continuer à vivre" dans ce pays gangrené par la crise économique et une forte criminalité, confiait à l'AFP Raul, médecin généraliste de 64 ans.
"Vous êtes allés dans un supermarché? Il n'y a pas de lait, il n'y a rien. C'est honteux", ajoutait-il.
Malgré les violences, les adversaires du chef de l'Etat socialiste se mobilisent sans relâche, exaspérés par l'effondrement de leur pays.
Le parquet a annoncé la mort lundi d'un jeune homme de 19 ans, tué par balles lors d'une manifestation dans l'Etat de Barinas (ouest): c'est le 49e décès depuis le début de cette vague de protestations le 1er avril, qui a aussi fait près d'un millier de blessés.
Autrefois le plus riche de la région grâce à ses immenses réserves pétrolières, le Venezuela n'est plus que l'ombre de lui-même, ruiné par l'effondrement des cours du brut qui se traduit par une grave pénurie d'aliments et de médicaments.
"La santé, c'est un désastre. Nous sommes dans la pire situation de ces 30 dernières années. Cela fait toujours peur de venir (manifester). Mais nous continuerons de le faire jusqu'à ce qu'il y ait un changement", a témoigné Fernando Gudayol, chirurgien de 50 ans.
Lundi, le centre financier de Caracas était inondé de pancartes avec comme slogans "Plus de faim, d'insécurité ni de répression" ou "Nous verrons bien qui se fatigue en premier", allusion au bras de fer avec le gouvernement.
Comme à chaque manifestation anti-Maduro, un défilé de partisans chavistes (du nom du défunt ex-président Hugo Chavez, 1999-2013) était parallèlement organisé face au palais présidentiel de Miraflores, où doit les accueillir Nicolas Maduro, qui appelle à une Marche pour la paix mardi.
"Quelle pénurie de médicaments?", dénonçait l'un d'eux, Rangel Vegas, étudiant en médecine de 31 ans. "Nous sommes dans les rues, dans les centres de santé en train de répondre aux besoins des communautés", a-t-il affirmé à l'AFP.
"Garder le rythme"
Pour l'opposition, il est crucial de maintenir la pression dans les rues, malgré la fatigue de 52 jours de mobilisation.
"Elle peut perdre son élan. C'est difficile de garder le rythme de cette vague de protestations. Les gens doivent travailler, étudier, manger et vivre leur vie. (L'opposition) doit élaborer une stratégie afin de tirer partie de ce mouvement", explique à l'AFP David Smilde, analyste au Bureau de Washington sur l'Amérique latine (WOLA).
Car même si sept Vénézuéliens sur dix rejettent la gestion de Nicolas Maduro, ce dernier bénéficie du précieux soutien de l'armée, accusée par l'opposition de mener une "répression sauvage".
L'ONG Foro Penal recense 2.260 personnes interpellées et au moins 161 incarcérées sur ordre des tribunaux militaires.
Tenant le gouvernement socialiste pour responsable du naufrage économique du Venezuela, plus de 200.000 personnes ont manifesté samedi, à Caracas et à San Cristobal (ouest), pour exiger des élections anticipées.
Le chef de l'Etat a accusé ses adversaires d'être à l'origine d'une agression sauvage samedi contre l'un de ses partisans, Orlando Figuera, 21 ans, frappé, poignardé et grièvement brûlé en marge d'une mobilisation d'opposants, selon lui. Une enquête a été ouverte.
Pour Nicolas Maduro, dont le mandat s'achève fin 2018, c'est Washington qui orchestre ces manifestations pour fomenter un coup d'Etat.
"Donald Trump a les mains infectées et plongées à fond dans cette conspiration, qui a pour objectif de prendre le contrôle politique du Venezuela", a-t-il affirmé dimanche, appelant une nouvelle fois l'opposition à "une table de dialogue pour la paix".
Cette option est jusque-là fermement rejetée par les anti-Maduro qui exigent d'abord un calendrier électoral et l'abandon du projet de réformer la Constitution, une manoeuvre selon eux pour éviter tout scrutin. Une précédente tentative de dialogue, fin 2016, avait échoué.
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