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L'irrésistible ascension de la barbe, jusqu'à Matignon

Révolution pileuse à la tête du gouvernement: Edouard Philippe a fait entrer la barbe à Matignon, une première sous la Cinquième République, très remarquée, qui illustre la popularité de ce look auprès de toute une génération.

L'irrésistible ascension de la barbe, jusqu'à Matignon
Le Premier ministre français Edouard Philippe à Matignon, le 17 mai 2017 - JOEL SAGET [AFP]

Si barbes, barbiches et rouflaquettes étaient de mise chez les dirigeants sous les Troisième voire Quatrième Républiques, le glabre l'avait depuis largement emporté.

Et le monde politique restait jusqu'ici relativement hermétique à la tendance qui a fleuri depuis une dizaine d'années, sous diverses versions, sur les joues des hipsters, artistes, sportifs et cadres dynamiques.

Quand Emmanuel Macron, alors ministre, avait brièvement arboré une barbe naissante en janvier 2016, l'initiative avait créé le buzz sur les réseaux sociaux. En septembre, c'est en se faisant raser par un barbier devant les caméras, au salon de la coiffure, qu'il avait assuré le spectacle.

La barbe de trois jours de Nicolas Sarkozy en 2012, elle, avait fait dire à l'ex-ministre Roselyne Bachelot qu'il avait renoncé à revenir en politique, car "ce n'est pas avec un look pareil qu'on reconquiert le coeur d'un électorat hanté par la respectabilité".

Lors de l'arrivée lundi à Matignon d'Edouard Philippe, 46 ans, considéré comme le premier chef de gouvernement à arborer une barbe depuis la barbiche de Paul Ramadier en 1947, le détail pileux n'est pas non plus passé inaperçu. Un autre barbu, Christophe Castaner, a été nommé porte-parole du gouvernement.

La barbe, fournie et taillée, que le maire du Havre porte depuis quelques années, est un signe de changement de génération à la tête du pouvoir, commente Samir Hammal, enseignant à Sciences Po spécialiste de l'apparence en politique.

'Indice de jeunesse'

"Édouard Philippe correspond bien au sociotype du quadragénaire à barbe convoqué dans de nombreuses campagnes de publicité", relève-t-il. Un détail qui par ailleurs "lui enlève son côté technocrate en l'humanisant".

Ce phénomène de mode "a inversé les codes", souligne également le professeur d'ethnologie Christian Bromberger: "auparavant la barbe, c'était plutôt les personnes âgées, elle était blanche, maintenant c'est plutôt un indice de jeunesse. Une jeunesse non pas adolescente mais plus +start up+".

Nulle subversion dans ce type de barbe, domestiquée: "ce n'est pas la barbe des prophètes, des ermites, des hippies, des anarchistes ou de Che Guevara. Ce n'est pas celle de la gauche républicaine voire révolutionnaire", souligne Christian Bromberger, auteur de l'ouvrage "Les sens du poil. Une anthropologie de la pilosité".

La vogue de la barbe, née du mouvement hipster aux Etats-Unis et inspirée par les "bears" homosexuels poilus, a pris le contre-pied de celle du métrosexuel imberbe des années 1990-2000.

Elle correspondait alors à une tendance à "l'ensauvagement" et au "lâcher-prise", même si cette barbe est aujourd'hui très travaillée, explique Pierre-Emmanuel Bisseuil, directeur de recherches au cabinet de tendances Peclers.

"C'est un signe d'affirmation de la virilité face à une féminité qui revendique certaines marques de pouvoir", juge l'expert, qui "voit donc encore pas mal d'avenir dans cette mode".

De quoi faire encore le bonheur des barbiers, dont les salons se multiplient. Sarah Daniel-Hamizi, à la tête de trois -et bientôt quatre- salons "La Barbière de Paris", n'a "pas du tout" été étonnée de l'arrivée d'un Premier ministre barbu, même si elle juge que sa barbe aurait besoin d'être "restructurée".

Avec une clientèle âgée en moyenne de 25 à 50 ans, la barbière voit tous types d'hommes dans son salon. La barbe, souligne-t-elle, convient particulièrement aux personnes dégarnies: "du coup on en regarde plus la calvitie mais la barbe bien dessinée".

Signe des temps, le premier championnat de France de la barbe se tiendra le 17 juin à Paris, sur le modèle de ses homologues américain, anglais et allemand. Barbes "Verdi", "Garibaldi", "freestyle", "Fu Manchu"... les concurrents s'affronteront au sein de 17 catégories. Avec en jeu le titre de "plus belle barbe de France". A bon entendeur...

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