Officiellement, le premier vice-président d'Afghanistan dans le gouvernement d'union nationale s'est rendu en Turquie pour raisons de santé, comme il l'a fait à plusieurs reprises et "pour visiter sa famille" selon son porte-parole Bashir Ahmad Tahyanj.
Un communiqué affirme samedi qu'il "rentrera dans son pays après le check-up médical".
Dostum, cité dans le communiqué, semble également vouloir rassurer sur ce point en affirmant qu'il "se tient aux côtés de (son) peuple": "La détérioration de la sécurité dans mon pays m'inquiète", assure-t-il.
Agé d'une soixantaine d'années, l'officier ouzbèke souffrirait de problèmes d'alcool et de diabète qui l'amènent à consulter régulièrement en Turquie.
Les autorités, dont le palais présidentiel, étaient injoignables samedi.
Pourtant, Dostum fait l'objet d'une enquête ouverte par la justice afghane sous pression des Occidentaux pour avoir fait séquestrer et violer un rival politique en marge d'un jeu traditionnel de bouzkachi, en janvier.
Il aurait ordonné à sa garde personnelle de capturer son rival Ahmad Ishchi, un ancien gouverneur âgé de 63 ans, de l'avoir séquestré dans sa propriété, puis fait torturer et sodomiser avec un fusil d'assaut AK-47.
A l'époque, le ministère de la Justice avait promis "une enquête impartiale et transparente sur ces faits". Le procureur avait ordonné l'arrestation de neuf de ses gardes du corps... qui ont fini par se rendre quelques temps plus tard dans ses locaux pour s'expliquer. Sans suite.
Embarrassé, car Dostum est vice-président d'un pouvoir aux équilibres fragiles et délicats, le président Ashraf Ghani avait dû se résoudre à cette enquête après l'indignation de responsables des Etats-Unis, de l'Union européenne et du Canada.
En février, l'armée avait même encerclé l'énorme compound de Dostum au coeur de Kaboul pour l'empêcher de regagner son fief du nord, dans la province de Jowzjan.
Mais de nombreux observateurs dans le pays ont toujours douté de voir la procédure aboutir.
Retour discret
"Il reviendra d'ici quelques mois discrètement" parie d'ailleurs samedi un observateur occidental qui remarque par ailleurs qu'il ne s'agit "+que+ d'un viol: quand on compare aux milliers de meurtres perpétrés dans ce pays par les chefs de guerre..."
C'est même une répétition de 2008: déjà accusé d'avoir violé et projeté l'assassinat d'un rival, Dostum avait pris le large en Turquie pendant près d'un an avant de revenir à la demande du président Hamid Karzai.
Mais il est aussi accusé, entre autres, d'avoir liquidé en 2001 au moins 2.000 talibans, étouffés dans des conteneurs ou exécutés par ses hommes.
Dostum, qui n'est plus réapparu en public depuis janvier, s'éclipse deux semaines après le retour triomphal à Kaboul d'un autre chef de guerre, Gulbuddin Hekmatyar, rentré avec sa garde armée après 20 ans d'exil.
Reste la situation dans le nord du pays, que Dostum a longtemps tenu d'une poigne de fer: il quitte le pays alors que ses ennemis de toujours, les talibans, enfoncent les fronts. Et que les provinces du nord-ouest, y compris la sienne, Jowzjan, sont menacées par la poussée de combattants ralliés au groupe Etat islamique.
"Il s'agit de membres de l'IMU (Le Mouvement islamique d'Ouzbékistan) qui ont prêté allégeance à l'EI tout en gardant leur structure opérationnelle" explique Ali Mohammad, directeur du Centre d'Etudes et d'analyses politiques sur l'Afghanistan.
Face à eux, "Dostum est un perdant qui n'a plus les moyens de combattre", affirmait-il à l'AFP récemment.
Cette dernière affaire de viol illustre néanmoins la brutalité et l'impunité des anciens chefs de guerre afghans passés aux responsabilités sans jamais avoir dû rendre compte de leurs crimes passés.
"C'est un exemple flagrant de ce qui est devenu la norme en Afghanistan, pas seulement pour Dostum mais pour tous les gens de pouvoir", dénonce d'ailleurs Patricia Grossman, chercheuse de Human Rights Watch (HRW) sur la région. "Après avoir promis la justice, le gouvernement se montre incapable de tenir parole".
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