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Au Cap, les ambulanciers travaillent dans la peur de l'agression

C'est devenu une règle de sécurité incontournable. Cibles de toutes les violences, les services de santé d'urgence de la métropole sud-africaine du Cap ne se rendent plus au chevet des patients de certains quartiers "chauds" sans escorte policière.

Au Cap, les ambulanciers travaillent dans la peur de l'agression
L'ambulancière Patricia September parle avec un patient à l'hôpital Heideveld, après l'avoir pris en charge dans un quartier chaud du Cap, le 14 avril 2017 en Afrique du Sud - RODGER BOSCH [AFP]

Dans toute la province du Cap occidental, les autorités ont recensé l'an dernier une centaine d'attaques d'ambulances, la ville du Cap étant l'épicentre du phénomène.

Les objectifs des agresseurs, parfois en lien avec des groupes criminels: détourner le véhicule, détrousser ses occupants, piller, vandaliser...

A la faveur d'une récente série d'agressions, certaines parties de la ville ont été décrétées "zones rouges". Les secours doivent désormais attendre les forces de l'ordre avant d'y pénétrer, au point parfois de mettre en péril la vie des malades.

Patricia September, qui élève seule ses jumeaux, se souvient encore avec effroi de ce petit matin où deux coups de feu ont claqué au passage de son véhicule en lisière d'une de ces redoutées "zones rouges".

Une brique venue de nulle part a percuté son pare-brise, provoquant une embardée contrôlée d'extrême justesse.

"Le choc a fait trembler toute l'ambulance", raconte cette professionnelle expérimentée de 51 ans. "Le bruit de cette brique qui s'est écrasée sur notre pare-brise, je ne l'oublierai jamais".

Le caillassage des véhicules de secours est devenu pratique courante pour ceux qui veulent les détourner et ensuite les piller.

Pour dissuader ces braqueurs, les escortes policières ont été généralisées lors de la plupart des interventions de nuit. Mais de nombreux ambulanciers confient n'être guère plus rassurés sous la protection des véhicules à "lumière bleue".

La peur au ventre

"Lorsqu'ils commencent à faire feu sur la police, vous pouvez lire la peur sur le visage des officiers", assure Patricia September. "Eux aussi ont des familles. Pour eux aussi la vie est importante. Et vous, vous êtes là, pris au milieu de tout ça..."

Son collègue Papinkie Lebelo a été agressé l'an dernier, à peine partis les policiers qui l'accompagnaient dans un township. Un homme lui a sauté dessus et l'a menacé d'un couteau en exigeant son téléphone et de l'argent. Il a obtempéré et n'a pas été blessé. C'était le soir du réveillon de Noël.

"Comment peut-on attaquer une ambulance qui vient à votre secours ?", s'indigne-t-il encore aujourd'hui.

Papinkie Lebelo parcourt depuis 17 ans les rues du Cap au volant de son ambulance. Les agressions ont débuté il y a trois ans, témoigne-t-il. A ses yeux, les escortes policières ne sont pas un atout et ne font que retarder les interventions.

'C'est de leur faute'

Cette nuit-là, plusieurs infirmiers font les cent pas en attendant leur escorte devant le commissariat du township de Nyanga, "zone rouge" réputée pour être l'une des capitales du crime en Afrique du Sud.

Certains rongent leur frein depuis plus d'une demi-heure.

Et si un malade décède pendant ce temps ? Une ambulancière hausse les épaules. "C'est de leur faute", lâche-t-elle sèchement en mettant en cause la criminalité qui les vise.

Le responsable d'un comité local organisant la sécurité du quartier en lien avec la police, Martin Makasi, explique que les habitants s'estiment injustement punis à cause de ceux qui s'en prennent aux médecins et aux ambulanciers.

"Ca nous inquiète que des gens puissent perdre la vie parce qu'ils doivent attendre les secours", dit-il. "Et on n'arrive pas à comprendre pourquoi ces attaques ont lieu".

'Je perds mes employés'

L'an dernier, la province du Cap occidental a perdu plus de 3.000 journées de travail à cause des violences dirigées contre les employés de ses services d'urgence. Certains ont depuis quitté la ville pour travailler sous des cieux plus tranquilles.

"Qu'ils restent chez eux à cause d'un syndrome post-traumatique ou qu'ils démissionnent pour aller dans des endroits moins dangereux, les faits sont là", regrette le chef des services d'urgence de la province, le Dr. Shaheem de Vries: "Je perds mes employés."

Cet environnement de violence commence même à dissuader les vocations. "Certains jeunes hésitent à nous rejoindre", remarque-t-il, "non seulement nos effectifs fondent mais en plus nous avons du mal à récupérer du sang neuf".

Six mois après l'agression dont elle a été victime, Patricia September a repris le travail. La peur au ventre.

"On se sent menacé par n'importe quelle personne présente dans la rue, par quiconque s'approche de nous", résume-t-elle, "on a tellement peur que ça recommence".

Ce soir-là, son équipe vient prendre en charge une patiente au fond d'un cul-de-sac à l'abandon. La police l'accompagne mais ni Patricia, ni ses anges gardiens ne s'aventurent hors de leurs véhicules pour aller la chercher. Trop dangereux.

Son ambulance a à peine redémarré que les policiers détalent à toute vitesse en l'abandonnant à son sort.

Mais Patricia September ne leur en veut pas. "Eux aussi sont en danger", relève-t-elle, "on les attaque pour leur voler leurs armes".

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