Les Boliviens "ont de très fortes opportunités (...) de développement de leur gastronomie, c'est-à-dire de leur restaurants de luxe, mais aussi, pour le public étranger, de leur cuisine plus populaire", explique Carole Métayer, créatrice de l'agence de voyage "La Route des gourmets", dédiée au tourisme gastronomique.
La municipalité de La Paz a recruté cette Française pour donner une nouvelle impulsion à sa cuisine et faire de la ville une "destination gastronomique".
Dans ce cadre, elle a réuni cette semaine des jeunes chefs sur le toit d'un fort emblématique de cette capitale perchée à 3.600 mètres d'altitude où, en 1871, 40.000 indigènes aymaras, menés par Tupac Katari, avaient tenu un siège de trois mois contre les forces coloniales espagnoles.
Depuis le succès du restaurant Gustu ("Saveur" en langue quechua), classé 14e dans le classement du magazine Restaurant des 50 meilleurs établissements d'Amérique latine, la cuisine bolivienne se sent pousser des ailes, mêlant recettes traditionnelles et idées novatrices.
Pour le chef Sebastian Quiroga, 27 ans, la gastronomie de son pays, qui a longtemps souffert de la concurrence de son voisin le Pérou, a "un potentiel énorme à montrer au monde".
Dans son restaurant végétalien "Ali Pacha" ("Univers des plantes", en langue aymara), Sebastian cherche à "mettre en valeur les saveurs, les textures, les arômes du produit", raconte-t-il. L'un de ses plats-phares est à base de yucca d'Amazonie fermenté, arrosé de lait d'amandes, auquel on ajoute une sauce de câpres, un champignon et de l'amaranto - une graine andine - croquant.
Car la Bolivie a des ingrédients typiques à faire valoir: le quinoa, le copoazu (cacao blanc d'Amazonie), ou encore la viande de lama, à faible teneur en cholestérol mais riche en protéines.
'Manger local'
A "Gustu", la chef danoise Kamilla Seidler prépare notamment un tartare à base de cette viande de camélidé, qui a toujours fait partie de la gastronomie traditionnelle indigène et qu'elle juge plus saine et nourrissante que le boeuf.
Pour Carole Métayer, la cuisine bolivienne "ne doit introduire aucun produit étranger, aucun produit qui ne fasse vraiment partie de sa culture alimentaire", car "c'est toujours mieux de consommer ce que le pays propose, c'est très important".
Son mot d'ordre aux chefs de ce pays sud-américain: "Penser global, mais manger et consommer local".
Raul Pérez, conseiller en tourisme de la municipalité de La Paz, est du même avis, prônant l'usage dans les restaurants boliviens de "produits +kilomètre zéro+", en référence à la distance entre le producteur et le consommateur.
Le projet social PRAAI (Promotion agroalimentaire d'inclusion), mené par le Brésilien Sergio Leandro et soutenu par la fondation espagnole Barcelo, cherche à stimuler le "commerce juste" dans la gastronomie locale, pour réduire la distance entre producteur et consommateur final, en misant notamment sur des produits biologiques.
Fournisseur de plusieurs établissements gastronomiques de La Paz, Sergio Leandro travaille avec des producteurs majoritairement issus de la région de Titicaca, le lac navigable le plus élevé au monde, à 3.800 mètres d'altitude.
"La Paz a un grand potentiel et j'ai la certitude que d'ici quelque temps, la cuisine bolivienne gourmet mettra mieux en valeur ses produits que beaucoup de Boliviens ne connaissent (même) pas", affirme M. Leandro.
Pour Carole Métayer, la Bolivie, pays le plus pauvre d'Amérique latine, doit aussi prendre confiance en soi dans ce domaine: "Nous voulons que les gens prennent conscience de l'identité qu'ils ont ici, en Bolivie, et de leur patrimoine immatériel et alimentaire".
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