Au milieu du camp d'Aïn Issa, les tentes claquent au vent. Un bébé, assis à même le sol, mâchouille un morceau de plastique. Son pantalon rouge est recouvert d'une fine pellicule blanche, provenant du gravier au sol.
Les civils arrivent depuis des mois dans le camp, mais le flux s'est accru au fur et à mesure que les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants kurdes et arabes, se rapprochent de Raqa, située à une trentaine de km au sud d'Aïn Issa.
Les derniers arrivants au camp sont contraints de s'installer au-delà du périmètre des tentes.
"Il y a plus de 20.000 personnes dans le camp maintenant, et ce chiffre grimpe d'heure en heure", explique à l'AFP le directeur du camp, Jalal al-Ayyaf.
"Depuis le début de la bataille pour Raqa il y a six mois, plus de 100.000 personnes sont arrivées dans le camp", ajoute-t-il, exhortant les groupes humanitaires internationaux à augmenter leur aide aux déplacés.
"Certaines d'entre elles sont reparties depuis dans leurs villages, d'autres sont parties vivre chez des proches dans d'autres secteurs".
Aides du PAM
Un carton du Programme alimentaire mondial (PAM) sur la tête, une femme s'éloigne du camion de distribution de vivres.
Et partout dans le camp, des enfants. Deux garçons jouent sur une balançoire de fortune, faite d'une structure en métal et de cordes jaunes.
Sous une tente, une famille donne une tétine à un bébé pour tenter de calmer ses pleurs. Faute de matelas, l'enfant est allongé sur des couvertures.
Malgré tout l'inconfort du camp, l'endroit est sûr, et éloigné des horreurs que les déplacés disent avoir vécues sous la domination des jihadistes ou lors de leur fuite.
Un nouvel arrivant, Abou Ahmad, 47 ans, a fui le secteur des fermes al-Rachid, au nord de Raqa.
"Ils tiraient sur nos voitures et ont mis le feu à nos tentes lorsque nous fuyions", dit-il, expliquant que les personnes qui prenaient la fuite emmenaient des tentes avec eux.
"Ils ont miné les ponts et des secteurs avant de s'en retirer", ajoute-t-il à l'AFP.
Khaled, un habitant du quartier d'Al-Sabahiya à Raqa, vient également d'arriver dans le camp et semble épuisé.
"On ne pouvait pas croire qu'on était arrivé ici", confie-t-il.
"Daech empêche ceux qui veulent venir ici. Il endommage leurs véhicules pour les empêcher de fuir", ajoute-t-il, en utilisant un acronyme de l'EI en arabe.
'Un endroit sûr'
"Il y a quelques jours, ils ont exécuté plusieurs personnes qui tentaient de fuir".
"La situation est très mauvaise (...) Tous les habitants de la ville cherchent un endroit sûr", explique Talal, un autre habitant de Raqa, âgé de 36 ans.
A la faveur d'une vaste offensive déclenchée en novembre 2016, les FDS, aidés par la coalition internationale dirigée par Washington, ont réussi à chasser les jihadistes de plusieurs secteurs menant à Raqa. Ils se trouvent désormais à quelques km au nord et à l'est de la ville mais doivent encore encercler le ville depuis l'ouest et le sud.
Ces forces ont affirmé que l'assaut final pourrait avoir lieu en juin, alors que les Etats-Unis annoncé la livraison prochaine d'armes aux Unités de protection du peuple kurde (YPG), la principale composante des FDS.
Pour Hamza al-Hussein, habitant du quartier Al-Daraya, les combattants de l'EI se tiennent prêts pour la bataille.
"Ils ont disposé des mines tout autour du secteur" de Raqa, explique-t-il.
Selon lui, les jihadistes ont également érigé dans les rues de grands cadres de bois sur lesquels ils ont fixé des morceaux de toile afin d'obstruer la vue des avions de la coalition.
M. Hussein affirme que son neveu a été tué dans l'explosion d'une mine alors qu'ils fuyaient la ville.
"Nous l'avons emmené avec nous et l'avons enterré ici", dit-il.
Selon Khaled, les habitants de Raqa ne soutiennent plus l'EI et attendent la libération de la ville.
"Plus personne ne peut les supporter", lance-t-il.
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