Le jeune homme assure qu'il reçoit jusqu'à un millier de clients par jour dans sa petite échoppe située dans une zone industrielle de Mossoul-Est, reprise en janvier par les forces irakiennes au groupe Etat islamique (EI).
L'alcool n'a jamais totalement disparu de la ville, qui a été jusqu'en janvier la capitale de facto du "califat" proclamé par l'organisation extrémiste sunnite sur des territoires en Irak et en Syrie.
Mais boire était devenu un passe-temps à la fois dangereux et onéreux.
"Il n'y avait que de l'alcool de contrebande (...) Cette bouteille valait jusqu'à 50.000 ou 60.000 dinars (46 euros), dit-il, en montrant un flacon d'un quart de litre. "Le litre coûtait lui jusqu'à 100 dollars (90 euros)."
Les prix sont aujourd'hui revenus à leurs niveaux d'avant l'EI et il faut désormais compter autour de 4,5 euros pour 25 cl.
"L'après-midi, c'est la cohue ici", lance Abou Haidar, en servant les clients derrière son comptoir.
"Pendant trois ans, les gens ont été privés d'(alcool) alors qu'ils avaient l'habitude d'en consommer. Il y avait des bars, des clubs et des casinos. Tous ont été fermés et les gens ne se remettent à boire que maintenant", dit-il.
Dans son magasin, les bouteilles s'entassent jusqu'au plafond: on trouve de l'ouzo, de l'arak (un spiritueux régional aromatisé à l'anis) et des marques méconnues de vodka et de whisky bon marché que l'on trouve à Bagdad ou dans le quartier chrétien d'Erbil, la capitale de la région kurde voisine.
Crainte d'attentats
Deux grands réfrigérateurs sont remplis de canettes de bière de différentes marques, dont une large sélection de marques turques et sud-coréennes, à côté de Miller ou Heineken.
Abou Haidar saurait à peine les différencier: contrairement aux propriétaires de magasins d'alcool en Irak, qui sont généralement chrétiens ou Yazidis, il est musulman. Il dit avoir été convaincu par un ami d'investir dans ce qui ressemblait à une bonne affaire.
La partie orientale de Mossoul a retrouvé, relativement rapidement, un semblant de normalité après que les forces irakiennes en eurent chassé les jihadistes il y a quatre mois.
Mais bien que les attentats soient plus rares, nombre d'habitants craignent que des partisans du "califat" de l'EI, désormais en passe d'être détruit, se cachent parmi les civils.
Abou Haidar scrute la rue avec inquiétude, par peur d'une attaque des derniers membres de la "Hisbah", la police religieuse des jihadistes.
Alors que la plupart des clients refusent d'être interviewés, encore moins photographiés ou filmés, Karim Jassem, lui, se dit "soulagé".
"Ces derniers temps, il y avait quelques magasins clandestins et certains vendaient de l'alcool chez eux, mais ici il s'agit d'un commerce légal, c'est moins cher et c'est ce que nous voulons", se réjouit-il.
Il évoque aussi avec appréhension les risques qu'il devait prendre quand l'EI contrôlait la ville pour satisfaire ses envies.
"J'avais peur. Je buvais puis je quittais la maison de mon ami et rentrais chez moi en empruntant les petites rues", se souvient-il.
"Tous mes amis boivent, vous savez. Je suis du quartier de Nour et je ne dirais pas que tous les gens du quartier boivent (...) mais tous mes amis boivent."
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