Elle ainsi que d'autres habitants sont affamés, épuisés et effrayés, après plus d'un mois de combats et un siège hermétique qui a privé de tout approvisionnement cette ville, dernier verrou sur la route menant à Raqa, principal fief de l'EI en Syrie.
Les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition kurdo-arabe soutenue par les États-Unis, se sont emparées mercredi de Tabqa et du barrage adjacent, le plus grand de Syrie, après une violente bataille.
La ville, qui comptait en 2011 plus de 70.000 habitants, est aujourd'hui quasiment déserte. Les rues sont jonchées d'ordures et de cadavres après l'annonce par les FDS de leur victoire.
Aussi, quand un voisin a confié à Dalal Ahmad, une femme d'une cinquantaine d'années, que les FDS distribuaient de la nourriture au marché central, elle s'y est précipitée.
Mais arrivée sur place, quelle ne fut pas sa déception de constater qu'en guise de distribution, il y avait seulement quelques combattants des FDS qui partageaient leurs plats avec des habitants.
"à bout"
"Nous sommes à bout et nous nous sentons répugnants. Il n'y a pas d'eau pour nous laver ni pour nettoyer quoi que ce soit. Tout a été coupé: l'eau, l'électricité, la (livraison de) nourriture", dit-elle amère à l'AFP.
"Nous voudrions que des organisations humanitaires viennent nous aider avant que nous succombions à la faim et à la maladie", confie-t-elle.
Près d'elle, une femme fouille dans les restes des repas des FDS, mettant dans une boite les restes de sandwichs.
"La situation dans la ville est particulièrement difficile, à cause de la pénurie de nourriture due aux combats et à la fermeture des routes d'approvisionnement après l'encerclement de la ville par les FDS", explique Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Dans une autre rue, une file de résidents attendent devant une citerne d'eau de remplir des bouteilles. L'eau courante venant du barrage a été coupée.
Des petits tas d'ordures, qui n'ont pas été collectées, jonchent les rues de la ville attirant des nuées de mouches mais au marché, les commerçants ont commencé à nettoyer devant leurs boutiques.
"Les maladies se propagent à cause des corps abandonnés qui commencent à sentir mauvais. Il y a les mouches et la saleté partout et cela affecte notre santé", assure Abdel Rahmane Chakruchi, un habitant d'une quarantaine d'années.
Selon lui, il y a encore des centaines de disparus, car beaucoup de corps sont sous les décombres des immeubles détruits par des raids aériens.
Les jihadistes de l'EI s'étaient emparés de Tabqa en 2014.
L'assaut des FDS a été soutenu par d'intenses raids aériens de la coalition menée par les États-Unis et les civils, qui se sont retrouvés piégés dans la ville, en sont encore terrifiés.
Un grand nombre a réussi à fuir jusqu'aux lignes tenues par les FDS mais d'autres comme Mouhannad Haj Omar, âgé d'une vingtaine d'années, ont du se terrer pour avoir la vie sauve.
Peur que l'EI revienne
"Nous nous déplacions sans arrêt, d'une maison à l'autre, et à la fin nous ne savions même plus où nous étions", dit-il.
Et si aujourd'hui les jihadistes ont été chassés, ils continuent à inspirer la terreur.
Ainsi Dalal Ahmad est totalement enveloppée dans une burqa noire comme l'exigeait l'EI. "Nous craignons toujours qu'ils reviennent. Je ne veux pas enlever mon voile bien qu'avant leur arrivée je n'en portais pas", dit-elle.
Au milieu du marché, un panneau de signalisation avec deux barres transversales, que l'EI, selon les habitants, utilisait pour exposer les corps de ceux qui avaient été tués pour avoir transgressé la loi jihadiste.
Un des résidents, qui a tenu à garder l'anonymat, a affirmé à l'AFP que son fils, un pharmacien, a été pendu à ce panneau sous l'accusation "d'avoir eu des contacts avec les infidèles".
"Ils ont laissé son corps exposé durant trois jours et je venais tous les jours pour empêcher les chiens de le déchiqueter", dit-il en sanglotant. Il refuse d'être filmé ou de donner son nom car il craint toujours leur retour.
"Ils avaient réussi à nous faire haïr la vie. Ils ont détruit nos vies", souligne Mouhannad Haj Omar.
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