Tête recouverte d'une calotte musulmane, barbe poivre et sel, Shakeel est l'un des derniers Bhishtis, une communauté de porteurs d'eau qui disparaît peu à peu de l'Histoire après des siècles à officier au coeur de la capitale indienne.
"J'ai passé mon enfance à faire ça. Mes ancêtres aussi", raconte-t-il à l'AFP sur les marches de la Jama Masjid, la grande mosquée ocre bâtie à l'apogée de l'empire moghol.
"Maintenant je suis le dernier. Je ne suis pas sûr que mes enfants, ou la prochaine génération, fasse cela", confie-t-il.
Historiquement, les Bishtis approvisionnent les commerces, pèlerins et passants en gorgées rafraîchissantes tirées de leur grande outre. Mais l'arrivée de l'eau courante a sonné le glas de leur mode de vie.
Dans un petit mausolée soufi, Shakeel remplit jusqu'à ras bord sa gourde, appelée mashaq, de l'eau tirée d'un puits profond.
"L'eau dans ce puits ne s'est jamais arrêtée depuis qu'il a été creusé", témoigne-t-il en montrant les profondeurs obscures du trou.
Le travail est harassant, la température à Delhi dépassant fréquemment les 40°C, et chaque outre ne lui rapporte que la maigre somme de 30 roupies (42 centimes d'euros).
"Mes enfants trouveraient difficile de faire ce travail", déclare-t-il.
Si l'eau courante ou les bouteilles d'eau minérale vendues tous les trois mètres ont décimé sa communauté, quelques gorges desséchées ont encore recours à ses services.
Des commerçants âgés, accablés par le soleil de midi, placent leurs mains en coupelle pour y recueillir le précieux liquide. Des vendeurs de rue lui font remplir leurs unités de refroidissement et se désaltèrent dans des seaux.
Nuisance pour tout le quartier, les régulières coupures d'eau courante sont en revanche une aubaine pour les affaires de Shakeel.
Son entreprise ne prospère peut-être pas mais il en tire au moins la satisfaction de voir les regards se tourner vers lui à la vue de ce vieux Bishti vêtu d'une tunique traditionnelle, scène comme sortie tout droit d'un âge disparu.
"Beaucoup de gens sont surpris de voir que cette profession existe encore, qu'un legs de l'époque des rois est toujours là", dit-il.
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