Visé par cinq procédures judiciaires, Lula, 71 ans, est cité à comparaître mercredi devant Sergio Moro, juge emblématique de l'enquête "Lavage Express" qui éclabousse une grande partie de la classe politique brésilienne.
Le face-à-face s'annonce explosif et promet de mobiliser des centaines de ses partisans, malgré le report d'une semaine qui empêche les syndicats de mener une action de front avec les célébrations du 1er mai.
En tête des intentions de vote pour l'élection présidentielle de 2018 - mais suscitant aussi un niveau élevé de rejet -, l'icône de la gauche brésilienne répondra à des accusations de corruption et blanchiment d'argent dans un volet du tentaculaire scandale Petrobras.
Les procureurs chargés de l'enquête l'accusent d'avoir été le "bénéficiaire direct" de largesses du groupe de BTP OAS, à travers des avantages en nature, notamment un appartement en triplex dans la station balnéaire de Guaruja (Etat de Sao Paulo, sud-est).
Quand il a quitté le pouvoir, en janvier 2010, son taux de popularité de 80% avait permis l'élection de sa dauphine Dilma Rousseff, ex-guérillera torturée sous la dictature militaire, qui a fini par être destituée en 2016 pour maquillage des comptes publics.
Sous la présidence de ce tribun redoutable à la voix rauque, portant une éternelle barbe blanchie par l'usure du pouvoir, 30 millions de Brésiliens sont sortis de la misère pour grossir les rangs de la classe moyenne.
'J'ai connu la faim'
Premier chef de l'Etat brésilien issu de la classe ouvrière, il a mis en oeuvre d'ambitieux programmes sociaux.
Cette success-story lui a conféré une stature internationale de premier plan, lui permettant de décrocher l'organisation des deux plus grands événements sportifs planétaires: le Mondial de football en 2014, et les jeux Olympiques, qui ont eu lieu en août à Rio de Janeiro (sud-est).
Rien ne prédisposait à un aussi fabuleux destin ce cadet d'une fratrie de huit enfants, né le 6 octobre 1945 dans une famille d'agriculteurs pauvres du Pernambouc (nord-est).
Lula a sept ans lorsque sa famille émigre à Sao Paulo, dans le sud, pour échapper à la misère. "J'ai connu la faim, et quand on a connu la faim, on ne renonce jamais", a-t-il récemment rappelé.
Enfant, il cire des chaussures pour rapporter un peu d'argent à la maison. Ouvrier métallurgiste à 14 ans, il perd l'auriculaire gauche dans un accident du travail. A 21 ans, il entre au syndicat des métallurgistes et en devient le président en 1975.
Il conduit les grandes grèves de la fin des années 1970, en pleine dictature militaire (1964-1985).
Lula se présente pour la première fois à l'élection présidentielle en 1989 et échoue de peu. Après deux nouveaux échecs, en 1994 et 1998, la quatrième tentative sera la bonne, en octobre 2002. Il est réélu en 2006.
'Le serpent est vivant'
"Je sais le nombre d'infamies et de préjugés que j'ai surmontés pour arriver où je suis. Maintenant, mon seul objectif est de montrer que je suis plus compétent que beaucoup de gens qui ont gouverné ce pays", disait Lula avant sa réélection en 2006.
Idéaliste mais pragmatique, il est passé maître dans l'art de tisser des alliances parfois contre-nature ou de se débarrasser d'amis devenus gênants.
En 2005, il a décapité toute la direction du Parti des travailleurs (PT), impliquée dans un scandale d'achat de votes. Lui est passé à travers les gouttes.
En octobre 2011, il a souffert d'un cancer du larynx dont il s'est rétabli.
Quand on l'attaque, il mord. "S'ils voulaient tuer le serpent, ils s'y sont mal pris, parce qu'ils n'ont pas frappé sur la tête, ils ont frappé sur la queue. Le serpent est bien vivant!", s'est-il exclamé le 4 mars devant ses partisans, après son humiliante interpellation dans le dossier Petrobras.
Il y a trois mois, il a souffert un autre coup dur avec la mort de son épouse, Marisa Leticia Rocco, son premier soutien pendant 40 ans de lutte, qui ne sera pas avec lui alors qu'il risque la disgrâce, voire la prison.
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