"Dans les années 1960 et 1970, c'était très français, mais maintenant, c'est très américanisé, avec des McDonald's à chaque coin de rue", regrette Hiep Nguyen, né à Ho Chi Minh-Ville, le nom officiel de Saïgon au Vietnam communiste.
"Une rue sans histoire n'a aucune valeur", ajoute celui qui a écrit plusieurs ouvrages sur l'histoire architecturale de la mégalopole.
Une grande partie de la démolition se produit dans l'hyper-centre en plein essor, car la jeune population vietnamienne a soif de modernité et parce que la demande de logements et de bureaux est forte.
"La clé, c'est l'argent, la clé, ce sont les groupes d'intérêt", explique-t-il depuis Sydney, où il vit maintenant.
Les terrains du centre sont en effet des mines d'or pour les investisseurs. Alors les vieilles villas privées ou les bâtiments publics, progressivement, cèdent la place.
La dernière grande démolition qui a alarmé les conservateurs concerne le complexe naval de Ba Son, construit par les Français sur les rives de la rivière Saïgon. A sa place s'élèveront bientôt d'immenses tours, chantier du groupe Vincom Group, appartenant à l'homme le plus riche du pays, Pham Nhat Vuong, baptisé le "Donald Trump du Vietnam".
Application mobile
Au total, les fonctionnaires de la ville ont répertorié plus de 1.000 bâtiments construits à l'époque du protectorat français (1887-1954) et qui sont toujours debout aujourd'hui, notamment le célèbre opéra, le bureau de poste et la cathédrale Notre-Dame, grandes attractions touristiques aujourd'hui.
La plupart de ces bâtiments ne sont pas officiellement protégés et il n'existe aucun relevé de ceux qui ont déjà été détruits, mais le gouvernement a annoncé qu'il comptait classer certains édifices.
Selon Fanny Quertamp, co-directrice de l'organisation de développement urbain PADDI, environ 50% des villas françaises ont disparu depuis 1993.
L'accélération des destructions a poussé certains habitants à lancer la résistance: Daniel Caune, un ancien développeur de jeux vidéo français et mordu d'architecture a créé une application mobile appelée "Heritage Go" pour les résidents de la ville et les touristes.
Sur cette application, qui sera lancée dans quelques mois, les utilisateurs pourront voir d'anciennes images d'un édifice et partager des clichés récents pour documenter son évolution.
"L'idée est que les gens prennent conscience de leur patrimoine", explique Daniel Caune.
Les fonctionnaires de la ville chargés du dossier du patrimoine reconnaissent que la tâche est énorme et pourrait prendre encore des années.
"La pression économique est très élevée", confesse Tuan Anh Nguyen, du centre de recherche en architecture du département de planification de la ville.
Il regrette que les nombreux promoteurs qui achètent les précieux terrains du centre-ville n'aient aucun intérêt pour les bâtiments historiques, qui ne sont jamais inclus dans les plans de développement comme cela se fait dans d'autres villes.
Le Vietnam, devenu une destination touristique importante, pourrait avoir beaucoup à perdre, estiment les férus de patrimoine.
La ville risque de faire fuir les centaines de milliers de touristes qui s'y arrêtent chaque année pour goûter à son charme colonial, estime l'architecte Ngo Viet Nam S?n.
"C'est comme tuer la poule aux oeufs d'or", regrette-t-il.
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