Le président américain a autorisé le Pentagone à "équiper" les milices kurdes "autant que nécessaire pour remporter une nette victoire sur le groupe Etat islamique" à Raqa, la capitale de facto des jihadistes, a déclaré le porte-parole du Pentagone Jeff Davis.
Selon un haut responsable de la défense américain qui a souhaité rester anonyme, les Etats-Unis pourront ainsi fournir aux Kurdes syriens "armes légères, munitions, mitrailleuses, véhicules blindés, ou équipement du génie" comme des bulldozers.
A moins d'une semaine d'une visite du président turc Recep Tayyip Erdogan à Washington le 16 mai, la décision constitue un tournant majeur pour l'administration américaine.
Celle-ci s'était jusqu'à présent toujours refusée à aller contre l'avis de la Turquie, pays membre de l'Otan et allié stratégique des Etats-Unis, qui considère les milices kurdes (Unités de protection du peuple kurde, YPG) comme la branche syrienne des séparatistes kurdes de Turquie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
Mais l'administration Trump a finalement décidé de valider le diagnostic posé depuis des mois par le Pentagone.
Pour les militaires américains, les milices kurdes et leurs alliés arabes sont les seules forces en Syrie capable de mener rapidement l'assaut contre Raqa et de porter un coup décisif au groupe EI en Syrie.
La coalition arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS), dont les YPG sont le fer de lance, est "la seule force capable de prendre Raqa dans un avenir proche", a souligné mardi Jeff Davis.
Selon le porte-parole, les Etats-Unis sont "déterminés" à ce que ces futures livraisons d'armes n'ajoutent pas "de risques sécuritaires" pour la Turquie.
Ces armements seront "calibrés" pour répondre à un seul objectif, la prise de Raqa, a précisé le responsable de la Défense. Et "il y aura des mesures supplémentaires pour garder la trace de ces armes et vérifier leur utilisation".
Les Etats-Unis par ailleurs n'envisagent pas une présence à long terme des milices kurdes à Raqa, ville arabe, après sa libération, a indiqué la porte-parole du Pentagone Dana White.
"Nous soutenons totalement la remise de Raqa à une gouvernance arabe locale", a-t-elle déclaré.
La Turquie a déjà frappé les milices YPG en Syrie. En avril, des frappes contre un QG des milices dans le nord-est de la Syrie ont fait 28 morts. Des accrochages entre miliciens kurdes et l'armée turque ont également eu lieu le long de la frontière.
- Risque pour les Etats-Unis -
Les Etats-Unis ont, de leur côté, envoyé des véhicules militaires munis de drapeaux américains du côté syrien de la frontière pour effectuer des patrouilles avec des membres des YPG et prévenir tout nouvel accrochage.
La décision d'armer les Kurdes malgré l'opposition d'Ankara "comporte certainement un risque" pour les Etats-Unis, pour qui la Turquie est un allié crucial, a estimé Michael O'Hanlon, un spécialiste des questions de défense au centre d'études Brookings à Washington.
"Mais il y a un risque aussi à suivre l'approche turque, qui pourrait mener à une future prolongation de la guerre" contre l'EI, a-t-il déclaré à l'AFP.
Mais Charles Lister, un expert du Middle East Institute, un centre de recherche basé à Washington, s'est montré beaucoup plus critique.
"Je pense qu'il est très difficile d'imaginer que M. Trump a trouvé quoi que ce soit de suffisant pour apaiser les craintes de la Turquie de voir les milices YPG se renforcer le long de sa frontière", a-t-il déclaré à l'AFP.
Le centre national anti-terroriste américain (NCTC) avait lui-même étiqueté "terroriste" les YPG avant de faire marche arrière en 2014, lorsque les forces américaines ont commencé à travailler avec elles en Syrie.
La décision de la Maison Blanche "va inévitablement provoquer plus d'instabilité" en Syrie, a-t-il ajouté.
Les milices kurdes et leurs alliés arabes ont réalisé la plus grande partie des avancées contre le groupe Etat islamique en Syrie, avec le soutien des frappes aériennes de la coalition et de conseillers militaires américains.
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