En 1989, Jean-François Abgrall, gendarme à la section de recherche de Rennes, est appelé pour le meurtre d'Aline Peres, une femme de 49 ans tuée à coups de couteaux et retrouvée sur une plage.
C'est le début d'une traque qui s'achèvera avec l'arrestation du "routard du crime" en Alsace en 1992. Condamné pour neuf meurtres, Francis Heaulme n'a, depuis, pas quitté sa cellule.
Mardi, Jean-François Abgrall sera entendu en tant que connaisseur du dossier, mais aussi de l'homme.
Devenu détective privé, l'ancien gendarme est souvent présenté comme celui qui a su comprendre le langage particulier, parfois codé, du tueur.
En 1992, à la maison d'arrêt de Brest, Heaulme évoque devant Abgrall des "pépins", explique ce dernier dans son livre "Dans la tête du tueur". Un pépin correspond, comprend-il, à un meurtre.
Lorsqu'il décrit une scène de crime, Heaulme y ajoute un autre homme, et se place en tant que spectateur, ajoute Abgrall. Il est aussi capable de faire des dessins très précis des lieux et se fait presque toujours hospitaliser dans les heures qui suivent.
Le gendarme compare alors ces évocations avec des meurtres non élucidés.
La cellule mise en place permet de placer Francis Heaulme sur plusieurs scènes de crime.
Mais nulle trace de Montigny: le dossier a été jugé en 1989, un homme, Patrick Dils, est en prison, et le double meurtre n'apparaît pas dans les listes consultées par Abgrall.
'C'était dans l'Est'
Ce n'est qu'en 1997 que son attention est éveillée par une lettre d'un conseil de Patrick Dils: l'avocate lui écrit que son client est innocent des meurtres de Cyril Beining et Alexandre Beckrich, tués à coups de pierres sur un talus SNCF à Montigny-lès-Metz. Un crime qui ressemble à ceux commis par Francis Heaulme, ajoute-t-elle.
Abgrall se remémore alors une scène décrite par Heaulme pendant un de leurs entretiens.
"Il y a longtemps, un dimanche, je passais à vélo dans une rue, lui avait raconté Francis Heaulme. C'était dans l'Est. Il y avait des maisons sur la gauche. A droite, il y avait un talus et une voie de chemin de fer. Deux gamins m'ont jeté des pierres lorsque je suis passé. Au bout de la rue il y avait un stop, un pont, et des poubelles. Je suis parti. Lorsque je suis revenu plus tard, j'ai vu le corps des gamins morts près des wagons".
Mais la défense espère souligner la faiblesse de ces déclarations consignées sur un procès-verbal cinq ans après les confidences supposées de Heaulme.
Une technique de fragilisation qu'elle avait déjà employée en début de procès, lorsqu'un ancien juge d'instruction avait été interrogé sur la relation Heaulme-Abgrall.
"A l'époque, il avait reconnu deux ou trois meurtres, toujours en lien avec le gendarme Abgrall... je m'étais étonné des liens d'affectivité", s'est souvenu le magistrat Denis Vanbremeersch. "Il avait ajouté que quand il avait confiance en la personne qui l'interrogeait, il pouvait être amené, pour lui faire plaisir, à dire des choses différentes".
Des "aveux" à relativiser donc, devrait marteler la défense, qui tente depuis deux semaines de placer Patrick Dils et ses aveux au coeur des débats, malgré le caractère définitif de son acquittement.
Mardi après-midi, la cour entendra Francis Auzeville, chargé de l'enquête sur le meurtre de Jean Rémy, un sexagénaire retrouvé mort, des traces de couteaux sur l'abdomen, mais tué, selon le légiste, par des coups au visage qui pourraient avoir été donné par des pierres.
Francis Heaulme a été condamné, en 1999, à 15 ans de réclusion criminelle pour ce meurtre.
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