Pour gouverner, le jeune centriste pro-européen qui a remporté la présidentielle avec 66% des voix face à l'extrême droite a besoin d'une majorité claire à l'Assemblée: les députés doivent en effet voter la confiance au nouveau Premier ministre et au gouvernement formé dans la foulée des élections.
Emmanuel Macron, qui a connu une ascension fulgurante alors qu'il était encore inconnu il y a trois ans, fait le pari que les Français lui donneront une majorité, comme ils l'ont toujours fait avec un nouveau chef d'État. "Cette majorité de changement, c'est ce à quoi le pays aspire et c'est ce qu'il mérite", a-t-il assuré dimanche soir.
Pour Jérôme Sainte-Marie, de l'institut Polling Vox, Emmanuel Macron a "un atout": "Il est compatible avec une partie de la gauche et une partie de la droite". Cela peut cependant "poser un risque de contradictions insurmontables", selon le politologue Philippe Braud.
Selon un sondage, le jeune mouvement En Marche! de M. Macron, créé en avril 2016, recueillerait entre 24-26% au premier tour des législatives, devant la droite Les Républicains (22%), le Front national (21-22%), la gauche radicale (13%-15%) et le parti socialiste (8-9%).
Mais toute projection est périlleuse, du fait de la recomposition politique en cours, des ralliements possibles jusqu'à la date limite de dépôt des candidatures le 19 mai, des jeux d'alliance et du mode de scrutin qui permet à plus de deux candidats d'être qualifiés au second tour s'ils ont obtenu suffisamment de suffrages au premier, à la différence de la présidentielle.
Le nouveau président a promis de dévoiler "en tout début de semaine" ses candidats dans les 577 circonscriptions françaises, promettant qu'ils seront pour moitié des nouveaux venus en politique, issus de la société civile.
Outre l'accord avec le vétéran centriste François Bayrou, il tente de débaucher des personnalités socialistes ou de droite, qui se présenteraient sous l'étiquette "majorité présidentielle".
La composition du gouvernement intérimaire, qui doit être annoncée après son investiture, influencera aussi les électeurs pour ce scrutin souvent qualifié de "troisième tour" décisif de la présidentielle.
"Battus mais pas morts"
La déroute de la droite et du parti socialiste, éliminés au premier tour de la présidentielle, n'augure pas forcément de la défaite de leurs élus, enracinés localement.
Notamment à droite: le politologue Philippe Braud analyse la défaite à la présidentielle surtout comme un "échec personnel" pour le conservateur François Fillon, arrivé en troisième position après son inculpation pour "détournement de fonds publics" dans une affaire d'emplois présumés fictifs.
Les Républicains espèrent donc obtenir une majorité aux législatives, imposer une cohabitation et obliger le président à désigner un Premier ministre de leur camp. "Macron est un colosse aux pieds d'argile, élu sans envie ni enthousiasme", juge le vice-président des Républicains Laurent Wauquiez. "On est battus mais pas morts".
Mais en cas de mauvais score, les divisions entre ceux qui se disent prêts à soutenir une coalition et ceux qui y sont hostiles risquent cependant de devenir irréconciliables, notent plusieurs journaux français lundi.
De son côté, l'extrême droite espère s'installer solidement dans le paysage politique, avec la dynamique de la présidentielle qui a permis à Marine Le Pen d'obtenir 10,6 millions de voix au second tour, son meilleur résultat jamais enregistré.
Le Front national se voit déjà comme "le premier parti d'opposition", mais rien ne permet de dire s'il pourra obtenir assez de sièges à l'Assemblée, le mode de scrutin majoritaire à deux tours lui restant défavorable. Il ne compte actuellement que deux députés.
Fort de ses sept millions de voix au premier tour, le tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon souhaite lui aussi transformer l'essai, mais sa difficulté à conclure des alliances, avec les communistes ou les écologistes, pourrait lui coûter des sièges.
"Si de nombreux députés dans la mouvance de Jean-Luc Mélenchon sont élus, on pourrait avoir une chambre ingouvernable", prévient toutefois Philippe Braud.
Laminé le 23 avril dernier, le parti socialiste reste dans la division: Benoît Hamon (6,35% des voix au premier tour) veut présenter des candidatures communes avec la gauche radicale, l'ancien Premier ministre Manuel Valls veut peser dans la majorité présidentielle.
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