En 2010, des ingénieurs ont découvert dans l'embouchure du fleuve Rovuma, le long de la côte nord du pays, des réserves estimées à 5.000 milliards de mètres cubes de gaz naturel, les plus riches découvertes sur la planète depuis longtemps.
Leur volume a fait saliver les géants du secteur, qui rêvaient déjà de hisser le Mozambique, l'un des pays les plus pauvres du continent africain, au rang de 3e producteur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL).
Une partie des habitants de Palma, une paisible localité de 3.000 âmes entre cocotiers et plages de sable blanc, se sont eux aussi pris à espérer un avenir meilleur.
"Grâce à ce projet, nous aurons du travail", se réjouit toujours Pedro Abudu Nchamo, le représentant des pêcheurs locaux. "Ici, il n'y a pas de travail (...) Avec le début du projet, je crois que beaucoup de nos jeunes obtiendront des emplois."
Sitôt le gisement découvert, Palma a été envahi par une nuée d'engins de chantiers qui ont profondément transformé son visage.
Le village est désormais raccordé au réseau électrique et desservi par une route goudronnée. Une agence bancaire y a ouvert ses portes, de même qu'un hôtel 4 étoiles et des restaurants, prêts à accueillir l'importante main-d'oeuvre étrangère attendue pour le coup d'envoi de l'exploitation.
Problème: le démarrage du projet n'en finit pas d'être reporté, victime de la chute des cours des hydrocarbures amorcée en 2014. Annoncée pour 2016, la date de début des exportations a reculé jusqu'à 2022 ou 2023. Au mieux.
Dette cachée
Ce retard a déjà coûté cher au pays. Anticipant sur les recettes gazières espérées, Maputo s'est lourdement endetté. Au mépris de sa Constitution, le gouvernement a secrètement emprunté 2 milliards de dollars pour renforcer sa défense côtière.
La révélation de ces "emprunts cachés" a provoqué une crise avec le Fonds monétaire international (FMI) et la plupart des bailleurs de fonds, qui ont suspendu leur aide budgétaire.
Cette affaire a aussi compliqué la position de la compagnie nationale d'hydrocarbures (ENH), impliquée financièrement dans les deux principaux projets d'exploitation du site. Elle détient 15% de celui de l'américain Anadarko et 10% de celui de l'italien ENI et doit donc mobiliser des milliards de dollars de financement.
Plus grave, cet endettement a provoqué une onde de choc qui a mis en péril la santé de toute l'économie mozambicaine déjà mal en point.
Conséquence du recul des prix des matières premières, les investissements étrangers qui avaient dopé la croissance du pays jusqu'en 2014 (+7% par an pendant 20 ans) ont chuté. Cette année encore, la croissance du Produit intérieur brut (PIB) ne devrait pas dépasser les 3%.
"C'est un véritable désastre", résume Peter Fabricius, analyste à l'Institut des études sur la sécurité (ISS) de Pretoria. "Il révèle de sérieuses manquements en matière de gouvernance et pose sérieusement la question de savoir si ces ressources sont une chance ou une malédiction."
Après un long processus de consultations mené par les autorités et les entreprises, plus de 500 familles de Palma sont prêtes à quitter leurs maisons, où sera construit le futur terminal gazier.
"Des promesses"
Mais les retards pris par le projet ont rendue ces familles un peu plus méfiantes. Certaines s'inquiètent déjà de ses conséquences sur l'environnement et leur activité économique.
"Ceux qui pêchaient ici ne pourront pas continuer. Avec tout ça, le poisson va disparaître", dit Pedro Abudu Nchamo, le représentant des pêcheurs.
D'autres commencent même à douter sérieusement qu'ils pourront un jour tirer un quelconque bénéfice de cette manne.
"Ca fait longtemps qu'ils promettent", s'impatiente un des chefs du village, Amade Mussa. "Ils nous ont dit que nous aurions du travail dès que les entreprises arriveraient mais rien ne se passe et de plus en plus de gens se plaignent."
"Je suis venu ici pour trouver du travail", explique ainsi Abdul Rahman, un mécanicien de 27 ans de la province voisine de Nampula. "Mais jusque-là, je n'ai rien trouvé."
Les autorités mozambicaines continuent, elles, à promettre que le projet servira l'intérêt des populations et respectera la nature.
"Notre priorité est de sortir ces communautés de la pauvreté", assure le ministre de la Terre, Celso Correa, "et c'est l'un des plus beaux sites naturels au monde".
Une promesse qui ne rassure pas Borges Nhamire, du Centre d'intégrité publique (CIP), une ONG locale.
"Il va falloir beaucoup de temps pour que les Mozambicains voient sur leurs tables les bénéfices de l'extraction du gaz", note-t-il. "Car le gouvernement va d'abord devoir en utiliser les recettes pour rembourser ses dettes."
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