Près de trois ans après avoir fui la ville face à l'avancée du groupe Etat islamique (EI), des habitants commencent à revenir et leur première préoccupation est de brûler certaines choses. Une façon de nettoyer leur maison et de purger leur mémoire.
"Comme vous les voyez, nous brûlons nos vêtements, nos meubles. Nous brûlons notre histoire", explique Milad Khodhr, 42 ans, membre de l'une des 17 familles qui sont revenues à Qaraqosh.
"Nous ne le faisons pas par sentiment de revanche", dit-il. "Nous sommes pacifiques, nous sommes le vrai peuple de ce pays".
Les combattants de l'EI ont déferlé en juin 2014 sur la plaine de Ninive, où se trouve Qaraqosh ainsi que la grande ville de Mossoul, et ont contraint près de 120.000 chrétiens d'Irak à la fuite, l'une des pires tragédies vécues par cette communauté religieuse millénaire.
Du jour au lendemain, la population de Qaraqosh est passée de 50.000 habitants à une poignée. L'église de l'Immaculée-Conception, la plus grande d'Irak, a été brûlée.
Les forces irakiennes ont repris la ville en octobre, dans le cadre de leur vaste offensive antijihadiste sur Mossoul, qui se poursuit encore.
Dans ce qui est toujours une ville fantôme, les quelques familles qui sont revenues ces derniers jours brûlent également les objets et les déchets que les jihadistes ont laissés derrière eux, dans les maisons qu'ils ont occupées et pillées.
Elles doivent également jeter au feu leurs propres déchets puisque aucun service public, notamment le ramassage des ordures, n'a été rétabli dans la ville.
Seule option possible
En l'absence d'Etat central, ce sont les autorités religieuses qui ont organisé le retour progressif d'habitants à Qaraqosh, une réinstallation que nombreux voient comme cruciale pour la survie de la minorité chrétienne.
Jadis estimée à un million de personnes, la communauté chrétienne d'Irak -Chaldéens, Assyriens, Arméniens et Syriaques- compterait aujourd'hui moins de 350.000 personnes.
"Certains habitants de Qaraqosh sont partis à l'étranger mais plus de la moitié sont encore en Irak. Nous avons fait un sondage qui montre que 68% d'entre eux veulent revenir. Les autres sont indécis", a expliqué à l'AFP le père George Jahula, qui contribue au retour des familles.
Dans une démarche symbolique, l'archevêque syriaque catholique Yohanna Petros Mouche a été le premier à revenir à Qaraqosh, en avril, avant les célébrations de Pâques.
"En l'absence de toute aide de la part de l'Etat pour rebâtir les maisons, l'Eglise a mis le pied à l'étrier", explique le père Jahula. Vêtu d'un survêtement, il se déplace dans la ville et organise son équipe d'ingénieurs et de volontaires.
"Les retours dépendent de la sécurité et de la rapidité à reconstruire les infrastructures", dit-il. Selon lui, les destructions dans la ville ont été identifiées, les besoins financiers déterminés et des objectifs de reconstruction fixés.
"Comme les fonds sont limités, nous avons établi une liste de ceux qui veulent revenir et nous distribuerons l'argent de la reconstruction à partir de la semaine prochaine", témoigne aussi Zakariah Sabah, un des organisateurs.
Pour certains, le retour n'est pas un choix mais la seule option possible, que la ville soit ou non prête à les accueillir.
"Où est-ce que j'irais?", témoigne Najma Boutros, une vieille dame au dos courbé et aux yeux creusés, en nettoyant un sofa devant sa maison. "J'ai vécu là toute ma vie, 87 ans".
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