Dans ce coin ravagé du nord-est du Nigeria, à la frontière avec le Cameroun, les jihadistes du groupe islamiste prennent régulièrement d'assaut les convois militaires, commettent des attentats-suicides et piègent les routes et la brousse aride avec des mines.
Ici, même les tâches les plus banales peuvent s'avérer périlleuses. Dans un élan désespéré pour trouver du bois, Bulama Zarami, 25 ans, n'a parcouru que quelques mètres avant qu'une mine n'explose sous ses pieds.
Se tordant de douleur, Bulama affirme qu'il sent encore les éclats d'obus retrouvés dans sa jambe gauche.
"Avec Boko Haram, nous sommes confrontés au danger", explique le jeune homme à l'AFP.
L'armée nigériane a repris Banki en septembre 2015, après des combats acharnés avec les jihadistes de Boko Haram, dont l'insurrection a fait au moins 20.000 morts depuis 2009.
"Nous ne pouvons pas dire que la paix est revenue", avertit le commandant Kenechukwu Otubo, du bataillon 152 stationné à Banki. "Ils (Boko Haram) se cachent dans des endroits auxquels nous ne pouvons pas accéder."
Ressusciter la vie quotidienne
Comme tant d'autres villes de l'Etat de Borno, Banki illustre l'énorme défi auquel le Nigeria est confronté pour ressusciter la vie quotidienne.
Mais à Banki, l'urgence pour l'armée n'est pas de bâtir des écoles ou des logements. Pour protéger les déplacés, les soldats nigérians creusent une tranchée autour du camp où les déplacés continuent d'affluer chaque semaine.
Ce camp, mélange de bâtiments en béton aux murs criblés de balles et de tentes blanches, est entouré d'une barricade de quatre mètres de haut, en tôles ondulées.
"Il devient inévitable d'agrandir et de barricader tous les points d'entrée et de sortie (du camp)", explique le capitaine Aminu Abdulmalik.
"Tant que la ville n'est pas fouillée ni déblayée, nous serons exposés à des attentats-suicides et aux partisans de Boko Haram", dit-il.
Jadis, Banki était une ville commerçante animée. Aujourd'hui, ses ruines sont l'un des derniers vestiges de la domination de Boko Haram dans la région.
La ville est au coeur d'un large croissant transfrontalier autour du lac Tchad, où la bataille contre Boko Haram continue à faire rage, malgré les affirmations contradictoires de l'armée et du gouvernement nigérians.
Avec l'ennemi si proche, tout le monde est présumé coupable dans le camp de Banki.
Personne n'est autorisé à quitter le périmètre surveillé sans autorisation ni à avoir un téléphone.
La même peur de Boko Haram explique le peu d'hommes en âge de combattre à Banki. La plupart ont été emmenés dans des centres de détention dirigés par l'armée nigériane pour y être interrogés.
'Je veux vivre heureux'
Ceux qui restent sont des vieillards, des femmes et des enfants, qui dessinent d'inquiétantes scènes de guerre sur les murs avec du charbon de bois.
Environ un tiers de la population de Banki sont des enfants, selon l'Unicef. Vêtus de guenilles, ils errent dans les rues sablonneuses du camp. Sans école, ils sont désoeuvrés.
Les plus âgés craignent que l'inertie de la vie au camp génère des recrues pour les jihadistes, dont l'objectif est de créer un Etat islamique dans le nord-est du Nigeria.
"Boko Haram s'est développé sur l'inactivité et l'absence d'éducation", souligne Alhaji Bulama, un professeur de 56 ans.
La situation à Banki pourrait s'aggraver. Au Cameroun voisin, quelque 78.000 réfugiés nigérians attendent de rentrer dans leur pays.
Cet afflux de personnes est "clairement préoccupant", affirme Henry Kwenin, de l'Organisation internationale pour les migrations.
Il augmentera la pression sur des troupes déjà débordées et des vivres de plus en plus rares avant la saison des pluies.
"Banki n'a pas suffisamment d'infrastructures pour accueillir ces personnes", continue M. Kwenin.
La localité frontalière se prépare au pire, alors qu'elle se relève à peine de l'enfer. Il y a tout juste un an, dix personnes mourraient de faim tous les jours à Banki, selon les humanitaires.
En avril, l'ONU a mis en garde contre le risque croissant de mortalité au Nigeria, où des cas de famine ont été signalés.
Ceux qui rentrent, cependant, espèrent un retour à la vie normale.
Abubakar Madu, un commerçant, a pu payer les 4.000 naira (11 euros) pour effectuer, avec sa famille, le voyage de 24 heures par la route, depuis le camp de Minawao, au Cameroun.
"Je veux vivre heureux avec ma famille", confie-t-il, incapable de dire quand cela sera possible.
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