"Pour moi c'est mieux, plus efficace et plus sûr", confiait Yamila, 26 ans, la première à être venue s'enregistrer dans le bureau de poste de la vieille ville à Montevideo, l'un des 65 du pays habilités à recevoir les inscriptions.
L'ouverture mardi de ce registre marque la mise en place du troisième volet, longtemps repoussé, de la loi pionnière adoptée en décembre 2013 par le petit pays sud-américain de trois millions d'habitants.
Après avoir été autorisés à cultiver cette drogue douce à domicile pour la consommation personnelle, puis à intégrer ou créer un club de cannabis pour planter de manière coopérative, les Uruguayens et étrangers titulaires d'une carte de résident pourront désormais en acquérir en pharmacies.
La loi prévoit qu'il faut choisir l'une des trois voies d'accès, interdisant tout cumul, d'où la nécessité de s'inscrire sur un registre contrôlé par l'Etat, qui assure que les données des utilisateurs restent anonymes.
Commercialisé en pharmacies à partir de juillet au prix de 1,30 dollar le gramme et dans la limite de 10 grammes par semaine, le cannabis légal vaudra donc "moins de la moitié du prix sur le marché noir, (où) c'est super cher et l'on ne sait pas ce qu'on consomme", souligne Yamila, qui travaille comme vendeuse dans une boutique de Montevideo.
C'est justement l'objectif du gouvernement: fournir un accès sûr à la drogue, à un tarif bas et avec une qualité garantie, afin de lutter contre le trafic illicite.
Le caractère unique au monde de la loi, qui avait suscité un fort intérêt médiatique international lors de son approbation, est justement ce qui a poussé Manuel Martin, Espagnol de 30 ans originaire de Malaga et également détenteur d'un passeport uruguayen, à venir s'installer à Montevideo.
"Je suis venu exclusivement pour ça, c'est ce qui m'a décidé", raconte-t-il à l'AFP, rassuré lui aussi de pouvoir se fournir pharmacies avec l'assurance d'un "contrôle de la qualité", sans avoir besoin d'aller "dans la rue pour acheter n'importe quoi".
Campagne de prévention
Tout aussi enthousiaste, Marcos Ferreira, employé dans le tourisme de 41 ans, estime que la vente de cannabis sous contrôle de l'Etat est "une grande étape dans l'évolution comme citoyen".
L'Uruguay "innove pour voir si cela donne des résultats", ajoute-t-il, se disant en faveur de l'ouverture aussi de la distribution aux touristes, qui frappent parfois aux portes des clubs cannabiques avec l'espoir de pouvoir acheter la drogue, sans succès.
Dans le pays toutefois, la loi, portée par l'emblématique ex-président José Mujica, n'avait pas été bien accueillie fin 2013: à l'époque, un sondage avait montré que les deux tiers des habitants s'y opposaient.
Le tarif en pharmacies a été calculé de façon à permettre de rémunérer les entreprises privées sélectionnées par l'Etat pour produire la drogue et les établissements les vendant, l'Etat récupérant une partie des recettes pour financer des politiques de prévention.
L'ouverture du registre mardi s'accompagne d'ailleurs du lancement d'une nouvelle campagne baptisée "Réguler, c'est être responsable", un message également inscrit en bas du reçu donné par les bureaux de poste au moment de l'inscription, avec un numéro de téléphone à contacter en cas d'"usage problématique des drogues".
La procédure, testée par une journaliste de l'AFP, prend moins de cinq minutes: il suffit de présenter un document d'identité et un justificatif de domicile.
L'employé ne fait pas de photocopie mais entre les données directement dans l'ordinateur, scanne les empreintes digitales puis réalise un petit questionnaire sur le niveau d'éducation du consommateur, son système de couverture santé ou encore s'il travaille dans le privé ou le public.
Si le gouvernement poursuit en parallèle ses efforts de prévention, il n'a pas encore réussi à endiguer le marché informel: la police soulignait récemment que la loi n'avait pas entraîné une baisse du trafic et que les meurtres qui y sont liés avaient même augmenté.
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