L'extradition de M. Haradinaj - bloqué en France depuis son interpellation à l'aéroport de Bâle-Mulhouse début janvier - aurait entraîné "des conséquences d'une gravité exceptionnelle" pour lui-même, mais aussi du fait de "considérations liées notamment à son rôle (...) dans la vie politique du Kosovo", a estimé la chambre d'instruction de la cour d'appel de Colmar (est).
En conséquence, la cour a donné un "avis défavorable" à la demande serbe et levé le contrôle judiciaire qui empêchait M. Haradinaj, 48 ans, de rentrer dans son pays.
En réaction, la Serbie a rappelé son ambassadeur en France pour des consultations et va adresser à Paris une "vigoureuse note de protestation" contre une décision "honteuse, scandaleuse, contraire à la loi et absolument injuste et par dessus tout politique", a déclaré son Premier ministre Aleksandar Vucic, lors d'une conférence de presse.
M. Vucic a en particulier ironisé sur les "conséquences d'une gravité exceptionnelle" évoquées par la cour de Colmar, au cas où M. Haradinaj aurait été extradé vers la Serbie. "Nous ne l'avons pas invité à venir prendre du chocolat ou des bonbons, nous voulions qu'il réponde d'accusations de crimes!", a raillé M. Vucic.
La cour a en revanche donné raison à Belgrade sur d'autres points juridiques: elle a notamment rejeté les allégations selon lesquelles la demande serbe revêtait un caractère "politique".
Le président du Kovoso, Hashim Thaçi, s'est félicité de son côté de cette décision. Les "calomnies" serbes "ne sont pas prises en considération par le monde démocratique", a-t-il commenté sur Facebook.
A l'annonce de la décision, M. Haradinaj, actuel député et opposant au président Hashim Thaçi, a été acclamé par des centaines de ses partisans venus le soutenir devant la cour d'appel de Colmar, qui ont crié "UCK!" (Armée de libération du Kosovo, ndlr) et "Ramush!".
Grande popularité
"J'ai perdu quatre mois dans cette procédure", a commenté M. Haradinaj, mais "cette décision me donne la possibilité de continuer mes obligations" politiques, a-t-il commenté.
Dans un entretien donné à l'AFP début avril, l'ex-rebelle, qui a brièvement été Premier ministre du Kosovo en 2004-2005, avait affirmé être victime d'une "persécution politique" de la part de Belgrade. Il espère rejouer un rôle de premier plan dans son pays, où son Alliance pour l'Avenir du Kosovo (AAK), l'un des principaux partis d'opposition, réclame des élections législatives anticipées.
Il est soupçonné par la Serbie d'avoir participé en juin 1999 à des exactions contre des civils serbes au Kosovo, territoire qui venait alors d'être placé sous l'administration des Nations unies.
"Il y a des gens dont les enfants ont été battus sous leurs yeux, à tel point qu'ils sont restés paralysés", avait précisé lors d'une précédente audience à Colmar le 9 février le représentant du parquet, Patrick Steinmetz, qui avait évoqué également des meurtres et des viols reprochés à l'ancien rebelle.
Ramush Haradinaj a été acquitté en 2008 et 2012 par le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) qui le jugeait pour des crimes de guerre remontant à 1998. Les faits dont il est accusé dans cette procédure examinée en France remontent en revanche à 1999 et sont donc distincts, selon Belgrade.
M. Haradinaj bénéficie d'une grande popularité auprès de nombreux Kosovars qui le considèrent comme un héros de la guerre d'indépendance de 1998-1999 contre les forces de Belgrade.
L'arrestation de cet ancien haut responsable de l'Armée de libération du Kosovo avait suscité un vif émoi au Kosovo, mais aussi en Albanie.
Ultime conflit ayant déchiré l'ex-Yougoslavie, la guerre au Kosovo a fait 13.000 morts. Elle a conduit à la sécession de cette région majoritairement peuplée d'Albanais, mais que la Serbie considère comme son berceau historique.
Le Kosovo a déclaré en 2008 son indépendance, désormais reconnue par plus de 110 pays dont la France et les Etats-Unis, mais pas par l'Espagne et la Grèce au sein de l'Union européenne. Avec le soutien de la Russie, Belgrade ne reconnaît pas cette indépendance.
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