Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annulé mardi une rencontre avec le chef de la diplomatie allemande Sigmar Gabriel, parce que celui-ci a tenu à rencontrer des représentants de deux ONG israéliennes très critiques envers son gouvernement. "Je regrette beaucoup cela", a dit sur place Sigmar Gabriel.
Ce couac diplomatique vient ternir la "relation spéciale" - selon l'expression consacrée en allemand - qui lie l'Allemagne à Israël, plus de 70 ans après le génocide de plus de 6 millions de juifs par le régime nazi.
Et la crise pourrait marquer un tournant dans une relation qui n'est plus désormais uniquement dictée par la mauvaise conscience allemande.
"Le traitement particulier d'Israël pour des raisons historiques arrive à ses limites avec le gouvernement Netanyahu", juge mercredi l'hebdomadaire allemand Der Spiegel, "notre faute historique ne peut pas amener l'Allemagne à accepter que le gouvernement israélien s'éloigne de plus en plus des valeurs que nous avions tenu jusqu'ici pour communes".
'Normaliser'
En réalité, "cela fait une vingtaine d'années que la tendance en Allemagne est de +normaliser+ les relations avec Israël, +normaliser+ a plutôt en général une connotation positive mais ici c'est l'inverse, il s'agit de mettre fin au statut unique de la relation avec Israël", estime Eldad Beck, auteur d'un livre sur "Merkel, Israël et les Juifs".
Pour cet observateur des relations germano-israéliennes, il s'agit d'une évolution profonde de la société allemande, en particulier de la jeune génération qui "veut mettre un terme à cette ombre qui l'empêche d'être une nation comme les autres".
Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, le tout jeune État hébreu avait décidé de boycotter l'Allemagne de l'ouest. Jusqu'à la signature en 1952 d'un "accord de compensation économique", suivi en 1965 de l'établissement de relations diplomatiques entre les deux pays.
Le cinquantenaire de cette amitié a donné lieu en 2015 à de vibrantes commémorations à Berlin et Jérusalem. Une occasion pour l'Allemagne de réitérer son soutien indéfectible à l'État hébreu, dont Angela Merkel a dit en 2008 que l'existence fait "partie de la raison d'État allemande".
- Accrocs -
Les premières failles sont apparues en janvier, lorsque le ministère allemand des Affaires étrangères a dit pour la première fois "douter" de la volonté de M. Netanyahu de parvenir à une solution à deux États, après le vote par le Parlement israélien d'une loi permettant à Israël de s'approprier de nouvelles terres palestiniennes en Cisjordanie occupée.
Dans la foulée, le gouvernement d'Angela Merkel a annoncé en février l'annulation, officiellement pour des problèmes d'agenda, de consultations annuelles entre les deux gouvernements.
Pour des raisons diplomatiques, "l'ajournement des consultations gouvernementales a été présenté comme un problème technique, il y a une volonté de ne pas laisser escalader cette histoire", indique à l'AFP le président d'une commission parlementaire allemande sur les relations avec Israël, Volker Beck.
"Merkel a essayé de rester polie, mais le gouvernement israélien n'a pas saisi les allusions", estime le spécialiste de l'Allemagne Moshe Zimmermann de l'université hébraïque de Jérusalem.
Dans le même temps, en Allemagne, l'entêtement du ministre des Affaires étrangères à rencontrer mardi des ONG controversées a été aussi critiqué.
"On visite des ONG d'opposition dans un régime autoritaire, pas dans une démocratie alliée", tranche mercredi le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung.
Et même si la relation tangue au plan politique, la coopération concrète se poursuit.
"Le conflit israélo-palestinien n'est pas au centre des relations germano-israéliennes", a affirmé cette semaine l'ambassadeur israélien en Allemagne, Yakov Hadas-Handelsman, à l'agence de presse DPA, "il y a la coopération économique, commerciale, de recherche, qui est exceptionnelle".
Israël est par exemple pressé de signer un protocole d'accord, plusieurs fois reporté pour l'achat de trois sous-marins Dolphin, fournis par l'Allemagne, avec un rabais d'un tiers du coût de fabrication, au titre de l'aide militaire à Israël.
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