"C'est Marine Le Pen qui vient? J'espère que je vais réussir à faire un selfie!". A 5h30, sous un léger crachin, un homme alpague la presse au sujet de celle venue mardi matin rencontrer la "France qui se lève tôt, la France qui se lève, qui travaille et qui voudrait travailler".
Vêtue d'une blouse blanche avec le logo de Rungis, Marine Le Pen déambule entre les carcasses de viande. Autour d'elle s'agglutine, curieuse, la population métissée des marchands et vendeurs de gros, quelques semaines après l'occupation par 105 salariés clandestins d'un bâtiment du marché. Marine Le Pen présidente, ces employés sans-papiers seraient expulsés: engagement 25 sur 144.
"T'as ta carte de séjour ?", raille un homme à la blouse maculée de sang, s'adressant à un autre employé sous les néons blafards.
D'autres, au pavillon des fruits, sifflent celle qui a réuni 21,3% des voix dimanche pour accéder au second tour. "On est des travailleurs! On paie nos impôts", crie l'un d'entre eux. Un homme lançant sans arrêt "C'est une honte" est écarté par la sécurité. Une tomate vole.
"Fais chier, eux, c'est pas les gars qui sont là normalement, ils se sont déplacés" pour venir siffler Marine Le Pen, croit savoir un frontiste dans le cortège, inquiet des mauvaises images.
Au pavillon des viandes, c'est Francis Fauchère, "président des viandes", comme il se désigne lui-même, qui accompagne la candidate avec qui il a un long échange, aussi courtois que divergeant.
Rungis, haut lieu des campagnes présidentielles, compte 1.200 entreprises, essentiellement des grossistes. 65% des produits partent en Île-de-France, 25% en France, 10% à l'export.
'J'y crois plus'
Marine Le Pen souhaite imposer la viande d'origine française dans la restauration collective. "C'est un voeu pieux! Derrière, il y a un phénomène économique", explique M. Fauchère: "le budget à mettre dans la restauration collective ne correspond pas au prix de la viande française", plutôt portée d'après lui sur le haut de gamme.
"Excusez-moi, mais quand vous regardez ce que nous, les parents, on paie pour le repas de nos enfants, on se pose la question de qui se gave au passage", rétorque la candidate, qui s'est déjà inquiétée que l'"on serre le +kiki+ des Français" depuis des années via impôts et charges qu'elle souhaite baisser.
Devant plusieurs journalistes, M. Fauchère, chapeau blanc sur la tête, se désole ensuite. Le 7 mai, il ne votera pas: "J'y crois plus. C'est comme tous les candidats: on les voit tous les cinq ans, ils promettent tous la même chose!".
"Ils sont heureux de se montrer ici pour +la France qui se lève tôt+", une expression qui avait été popularisée par Nicolas Sarkozy. "Ca leur permet de s'ancrer à une image avec des gens réellement courageux", commente un commerçant qui ne souhaite pas être cité.
Une semaine auparavant, c'est Emmanuel Macron, auto-proclamé "candidat du travail", qui avait déambulé entre les étals et avait été plutôt bien accueilli même si certains affichaient leur scepticisme. Marine Le Pen elle-même n'en était pas à sa première fois: elle était déjà venue en septembre 2011... candidate pour la première fois à la présidentielle.
Tous les bouchers ne partagent pourtant pas l'avis de M. Fauchère: à 74 ans, Claude Garnier est désormais à la retraite, mais il vient aider son fils. "Je suis de la droite, mais bon je préfère madame Le Pen... parce que Macron non... c'est un nouveau... c'est un socialiste."
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