A l'heure du cap symbolique des 100 jours, qu'il franchira samedi, le constat est cruel pour celui qui promettait aux Américains de "gagner, gagner, gagner": il est, à ce stade de son mandat, le président le moins populaire de l'histoire moderne des Etats-Unis (même si sa base lui reste, pour l'heure, fidèle).
L'homme d'affaires de 70 ans, dont l'élection provoqua une violente onde de choc à travers le monde, revendique toujours haut et fort une approche impulsive, instinctive, imprévisible.
Mais l'ex-candidat anti-système qui promettait de secouer Washington reconnait aussi, avec un mélange de naïveté et de roublardise, avoir pris conscience, d'une évidence: il occupe un poste extrêmement difficile.
En quelques semaines seulement, la justice, sur ses visas migratoires, et le Congrès, sur la réforme de l'assurance-maladie, lui ont infligé des gifles cinglantes.
"Personne ne savait que le système de santé était si compliqué", lâche-t-il au coeur de sa tentative de réforme de l'Obamacare, loi emblématique de son prédécesseur démocrate.
"Après avoir écouté pendant dix minutes, j'ai réalisé que ce n'était pas si facile", lance-t-il après sa rencontre avec le président chinois Xi Jinping en évoquant l'épineux dossier nord-coréen.
Tweets à l'emporte-pièce
Les exigences et les contraintes du Bureau ovale -où chaque mot compte- sont de fait profondément différentes de celles d'une estrade de campagne.
Qui écouter? Qui solliciter? Quel rapport de force instaurer avec le Congrès, même si, comme c'est le cas, il est contrôlé par son propre camp? Quelle latitude accorder aux deux mastodontes que sont le Pentagone et le département d'Etat?
Tous ses prédécesseurs l'ont dit: l'installation au 1600 Pennsylvania Avenue est un choc.
"Il y a quelque chose de très particulier propre à ce travail de président, personne n'y échappe: vous avez une vision en arrivant puis la pression qui pèse sur le poste, les réalités du monde sont différentes de ce que vous aviez en tête", résumait il y a quelques jours George W. Bush.
Au-delà de son goût, qui ne se dément pas, pour les tweets matinaux à l'emporte-pièce, largement guidés par les choix rédactionnels de Fox News, Donald Trump évolue.
Dans le choix des équipes comme dans certains arbitrages, une forme de présidentialisation est en cours, mais elle reste hésitante.
Celui qui fut propulsé à la tête de la première puissance mondiale sans l'ombre d'une expérience politique, diplomatique ou militaire, revendique cette approche.
"Je change, je suis flexible, et j'en suis fier", lance-t-il, peu avant de lancer des frappes aériennes contre le régime Bachar al-Assad en Syrie, accusé d'avoir utilisé des armes chimiques avec nombre d'enfants parmi les victimes.
Sur la Chine, la Russie ou l'Otan, ses virages à 180 degrés ont -dans une certaine mesure- rassuré une partie du pays ainsi que les alliés des Etats-Unis.
"Les volte-face récents de Trump méritent d'être (prudemment) salués", résumait d'une étonnante formule le Washington Post dans un éditorial, rappelant le malaise suscité par son discours d'inauguration d'une agressivité inouïe.
Mais l'approche comporte aussi des risques.
De la Syrie à la Corée du Nord, quel est le risque d'entraîner les Etats-Unis dans un conflit militaire à l'issue imprévisible contre lequel il a mis en garde pendant la campagne? Comment le président républicain réagirait-il en cas d'attaque terroriste sur le sol américain?
'Trumpisme'?
Sur le forme et le verbe, nombre d'épisodes rappellent aussi, parfois de manière spectaculaire, que Donald J. Trump est un président à part dans l'histoire de l'Amérique.
Comme dans cet entretien déconcertant accordée au magazine Time fin mars, dans lequel il défendait une à une toutes ses affirmations controversées, farfelues ou carrément fausses: "Que puis-je vous dire? J'ai tendance à avoir raison".
Plus de trois mois après sa prise de fonction, nombre de ses détracteurs jugent toujours fidèle le portrait au vitriol que l'écrivain Philip Roth esquissait de lui fin janvier dans le New Yorker.
Celui d'un président "ignorant du gouvernement, de l'histoire, de la science, de la philosophie, de l'art, incapable d'exprimer ou de reconnaitre une subtilité ou une nuance" et utilisant "un vocabulaire de 77 mots".
Ses multiples ajustements et renoncements soulèvent aussi des questions sur sa ligne directrice et sur la définition du "Trumpisme", doctrine aux contours flous, qui s'articule autour d'un slogan plus difficile à articuler qu'il n'y paraît : "L'Amérique d'abord".
Une mise en musique d'autant plus délicate qu'elle se heurte à des combats idéologiques au sein même de la Maison Blanche. Au milieu des conseillers, dont le très droitier Steve Bannon, qui redoutent en permanence la disgrâce, un groupe fait exception: la famille, sa fille Ivanka en tête.
La nomination du juge conservateur Neil Gorsuch, 49 ans, à la Cour suprême restera sans conteste comme le grand succès des 100 premiers jours du 45e président des Etats-Unis.
Conscient que les débuts furent rudes, il a d'un tweet rageur dénoncé par avance cette "échéance ridicule", même si son équipe assure qu'il est "très fier" de ses 100 premiers jours.
Donald Trump, qui évoque régulièrement l'hypothèse d'un deuxième mandat, a encore plus de 1.300 jours devant lui jusqu'à la fin du premier.
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