Les derniers sondages publiés vendredi, qui n'avaient plus beaucoup bougé depuis une semaine, donnaient Emmanuel Macron entre 23 et 24%, Marine Le Pen entre 22 et 23%, François Fillon entre 19 et 21%, Jean-Luc Mélenchon entre 18 et 19,5%, ce qui correspond à la fourchette des estimations données dimanche soir.
Ils avaient également constaté une hausse régulière du taux de participation, passé en dix jours de 65 à 75% pour finalement s'établir autour de 78%.
"Ces derniers jours, ils ont bien senti la remontée tardive du niveau de participation et ont indiqué Emmanuel Macron en tête et Marine Le Pen en seconde position", souligne Anne Jadot, maître de conférences en science politique à l'université de Lorraine.
Ceci alors "qu'ils étaient confrontés à une indécision inédite et très forte des électeurs", puisqu'un Français sur trois environ disait ces derniers jours n'avoir pas encore décidé pour qui il allait voter ou pouvoir encore changer d'avis.
Cette instabilité compliquait le travail des instituts de sondage, déjà sous surveillance après l'incapacité de leurs homologues anglo-saxons à anticiper l'élection de Donald Trump et le vote pour le Brexit en Grande-Bretagne. Les instituts français n'échappaient pas eux-mêmes aux critiques après avoir sous-estimé le vote en faveur de François Fillon lors de la primaire de la droite.
Dans une tribune au Monde le 18 avril, le professeur de science politique de l'université de Montpellier Jean-Yves Dormagen prévoyait ainsi de "nouvelles surprises électorales" car il jugeait que "les échantillons surreprésentent massivement les diplômés et les catégories supérieures et à l'inverse sous-représentent les milieux populaires et les seniors".
Les instituts, suite notamment aux critiques exprimées lors de la primaire, avaient mis en place des échantillons plus importants pour la présidentielle, relève cependant Mme Jadot.
Impact du vote utile
Pour Pierre Lefébure, du Laboratoire de communication politique (LCP-Irisso) de Paris-Dauphine, les instituts, notamment ceux qui avaient mis en place des rollings quotidiens, "ont surtout très bien capté les tendances et dynamiques".
"Les différents paliers ont correspondu à des événements de campagne", note-t-il, comme le débat télévisé du 20 mars qui a marqué le croisement des courbes entre Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, ou le soutien du centriste François Bayrou à Emmanuel Macron qui lui a fait gagner autour du 20 février trois à quatre points d'un coup alors qu'il était au coude-à-coude avec François Fillon.
Les sondages ont également perçu "le tassement progressif de Marine Le Pen" ces dernières semaines, souligne M. Lefébure qui émet l'hypothèse que les électeurs indécis ne sont pas allés vers sa candidature, ce qui l'a mécaniquement fait baisser.
Il n'y a pas eu non plus de "vote caché" en faveur de François Fillon, probablement une des conséquences des nouveaux modes de recueil des instituts de sondages via internet qui laissent moins de place à la dissimulation du vote que par le passé lorsque les sondés s'adressaient personnellement à un enquêteur (en face-à-face ou par téléphone).
Si les sondages se sont donc montrés globalement fiables, ils peuvent cependant se retrouver sous le coup d'un autre reproche, notent M. Lefébure et Mme Jadot, celui d'avoir eu une réelle influence sur la campagne et le choix des électeurs à travers notamment la thématique du "vote utile" à gauche.
"Pendant cette campagne, les électeurs, notamment à gauche, ont raisonné de manière stratégique, pour faire barrage au Front national et à François Fillon, davantage que sur le fond des programmes", souligne Pierre Lefébure.
"Cette considération a joué très précocement dans la campagne dans l'augmentation du vote Macron (...). Dès lors, le vote Hamon, d'un point de vue stratégique, n'avait plus d'utilité".
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