La légende américaine de 75 ans, pour son deuxième concert parisien après celui au Zénith jeudi, était le tout premier à pouvoir tester les dernières technologies de pointe de la "Grande Seine", la plus grande salle de la Seine musicale, réservée aux concerts, comédies musicales et spectacles vivants.
Chapeau blanc et costume orné de strass, l'artiste s'est attaché à mêler ses reprises de standards américains intemporels à son propre répertoire, devant une salle comble de 4.000 spectateurs sagement enthousiastes - elle peut en accueillir jusqu'à 6.000 en configuration debout.
Pas un bonjour, pas un mot, pas même un salut en direction du public assis dans la vaste salle épurée en pente douce, aux parois noir et anthracite. Pas un commentaire, bien sûr, sur son inattendu prix Nobel de littérature, reçu en catimini à Stockholm début avril après plusieurs mois de suspense: la superstar s'est montrée, fidèle à son habitude, taiseuse.
Mais joueuse: muet lorsqu'il s'agit de parler, Dylan, de son vrai nom Robert Allen Zimmerman, a semblé prendre un grand plaisir à interpréter les standards américains des années 1930 à 50, popularisés pour beaucoup par Frank Sinatra ou Nat King Cole, qu'il a repris dans ses trois derniers albums studio.
Entre deux morceaux de folk, blues, rock, sur la scène ornée d'un rideau et de sept gros projecteurs vintage, l'orchestre de cinq musiciens amorce une musique soudain plus suave. "Melancholy Mood", "I Could Have Told You"... Dylan enlace le pied de son micro, le cajole presque. La voix rugueuse se fait plus douce, le bluesman devient crooner et jazzman.
Puis le revoici au piano, assis ou debout, jambes arquées, à enchaîner son propre répertoire, des compositions récentes pour la plupart, issues notamment de son album Tempest (2012) - "Duquesne Whistle", "Pay in Blood", mais aussi quelques classiques très applaudis comme "Tangled Up In Blue".
Un dernier rappel - "Ballad Of A Thin Man", devant quelques centaines de personnes enfin debout, et Bob Dylan, toujours sans un mot, quitte la scène après 1H45 de show.
Si quelques policiers munis de gilets pare-balles étaient présents sur le parvis de la Seine musicale, le concert s'est déroulé sans signe visible d'une vigilance particulière au lendemain de l'attaque sur les Champs-Elysées.
Un 'grand navire'
Le lieu, première institution culturelle française à faire l'objet d'un partenariat public-privé (PPP), a été conçu par l'architecte japonais Shigeru Ban (prix Pritzker en 2014), associé à Jean de Gastines, avec qui il a réalisé en 2009 le Centre Pompidou-Metz. Pour cet ambitieux projet architectural qui prend place sur l'ancien site des usines Renault, Shigeru Ban dit avoir voulu créer "l'image d'un grand navire", avec une "voile protectrice faite de panneaux photovoltaïques". Montée sur rails, cette voile suit la course du soleil, d'Est en Ouest, tout au long de la journée.
L'inauguration officielle, samedi, donnera elle lieu à deux concerts: dans l'Auditorium (1.150 places) celui d'Insula Orchestra, l'orchestre résident, dirigé par Laurence Equilbey, qui joue sur instruments d'époque, et dans la Grande Seine une soirée électro, The Avener et The Shoes.
Avec une programmation allant du classique aux musiques actuelles, la Seine musicale, portée par le conseil départemental des Hauts-de-Seine, vient enrichir une offre déjà particulièrement dense dans la capitale où les ouvertures, réouvertures et rénovations se succèdent ces dernières années: Philharmonie de Paris, Auditorium de Radio-France, Salle Pleyel, Elysée-Montmartre, Bataclan...
Après Paris, Dylan est attendu au Luxembourg samedi puis à Anvers, en Belgique, lundi, avant l'Allemagne puis la Grande-Bretagne dans le cadre de ce "Never Ending Tour", "Tournée sans fin" lancée à la fin des années 80.
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