Déterminée à poursuivre la mobilisation jusqu'à la tenue d'élections anticipées, l'opposition a convoqué à la mi-journée une "marche du silence" vers les sièges de l'épiscopat vénézuélien dans tout le pays.
Il s'agira d'un test pour les autorités, après des jours d'affrontements entre policiers et militaires, déployés en nombre, qui ont repoussé avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc les manifestants, lesquels ont répliqué avec des pierres et des cocktails Molotov.
En trois semaines, 20 personnes ont été tuées, selon les autorités, dont une douzaine rien que dans la nuit de jeudi à vendredi aux cours d'émeutes, pillages et blocages de routes dans des quartiers populaires de Caracas. Plus de 600 autres ont été arrêtées, selon l'ONG Foro Penal.
Après les défilés de samedi, un "blocage national" des routes est prévu lundi.
Les antichavistes (du nom du défunt président Hugo Chavez, 1999-2013) sont engagés dans un bras de fer avec le gouvernement et multiplient les mobilisations en misant sur l'épuisement du camp adverse.
Objectif de cette "course de fond": l'élection présidentielle de décembre 2018, selon le politologue Luis Salamanca.
"Le peuple ne se fatigue jamais. Il n'a plus peur et va conquérir sa liberté", a promis vendredi soir sur "CNN en español" le président du Parlement, contrôlé par l'opposition, Julio Borges.
Dans ce pays pétrolier qui a sombré économiquement avec la chute des cours du brut, la majorité des aliments et médicaments manquent. Le mouvement de colère populaire devrait donc se poursuivre, malgré la répression, prédit le sociologue Francisco Coello.
"Le pays n'a plus un seul os en bonne santé. Les gens vont continuer à manifester", explique-t-il à l'AFP.
'Bêtes assoiffées de sang'
Dans le quartier d'El Valle, transformé jeudi soir en champ de bataille durant les saccages, des hommes et des enfants fouillent le lendemain les détritus alimentaires laissés par le pillards. L'un d'entre eux trouve de la nourriture et l'avale.
"On aurait dit une guerre. Les militaires et la police lançaient des gaz (lacrymogènes, ndlr), des civils armés tiraient sur les bâtiments. Avec ma famille on s'est jeté par terre. C'était horrible. On a réussi à dormir jusqu'à ce que ça se termine, vers trois heures du matin", a raconté à l'AFP Carlos Yanez, 33 ans.
Opposition et gouvernement s'accusent mutuellement de fomenter la violence.
Jorge Rodriguez, le maire d'un district de Caracas, a notamment qualifié les dirigeants de l'opposition de "bêtes assoiffées de sang", en assurant qu'ils "voulaient brûler vifs" des enfants.
Si, jusqu'à présent, l'opposition n'a pas atteint son objectif principal - des élections anticipées -, elle a toutefois retrouvé une image d'unité, un soutien populaire et des alliés à l'étranger.
Le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), Luis Almagro, a dénoncé vendredi la "lâcheté" du gouvernement Maduro.
"Quand les leaders politiques donnent l'ordre de tirer contre leur propre peuple, c'est un signal très fort de lâcheté et de fragilité du régime vénézuélien", a déclaré à l'AFP M. Almagro, en déplacement au Paraguay.
Onze pays latino-américains et les Etats-Unis ont plaidé pour le respect du droit à manifester de manière pacifique et pour des élections permettant de sortir de la crise. Jeudi, l'Union européenne a condamné la violence.
M. Maduro, qui dénonce un "coup d'Etat terroriste" fomenté selon lui par les Etats-Unis -une accusation rejetée par Washington- a renforcé ces derniers jours la présence policière et de l'armée qui lui a apporté son soutien "inconditionnel".
Alors que son mandat court jusqu'à fin 2018, sept Vénézuéliens sur dix souhaitent son départ immédiat, selon un sondage Venebarometro.
La précédente vague de manifestations ayant secoué le pays en 2014 avait fait 43 morts, selon le bilan officiel.
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