"C'est catastrophique. J'ai eu un seul client pendant un mois", enrage Michel, propriétaire de 20 chambres d'hôtes dans des villas créoles à Cayenne.
"J'ai tout investi par moi-même, sans subvention. Au bout de 4 ans, en 2016, on a finalement atteint l'équilibre. Mais aujourd'hui c'est toute l'année 2017 qui est foutue. Un mois, c'est 36.000 euros de chiffre d'affaire perdu", dit-il, et "trois salariés au chômage technique".
"La banque, le loyer, les charges, les prestataires, qui va payer?", demande-t-il, exaspéré. "Bien sur qu'on est sensible au problème d'insécurité, de santé, d'éducation, mais pourquoi tuer ceux qui créent dans ce pays? C'est ridicule!".
Chauffeur de taxi indépendant de 37 ans et père de "bientôt trois enfants", Rodrigue, lui, n'a "quasiment aucun revenu depuis un mois". "Les seules courses que je peux faire, c'est dans Cayenne, où il n'y a pas de barrages. Mais les gens restent chez eux puisque tout est bloqué, alors je n'ai pas de clients. C'est même pas la peine de sortir".
Taper dans sa trésorerie? "Je n'en ai pas, je me suis installé depuis six mois. Ce qui me sauve, c'est que ma femme est fonctionnaire, et touche son salaire", reconnaît-il.
Quant à son collègue, Henri Chipan, 70 ans, il avoue n'avoir pas payé le RSI, à échéance du 15 avril. "Comment je peux faire? J'ai pas l'argent. Tout ce que j'ai c'est mon taxi", dans lequel il "s'ennuie".
Plusieurs commerçants, artisans et chefs d'entreprises ont même déposé plainte à Cayenne, pour entrave à la circulation, après plusieurs semaines de barrages. Financièrement, "on n'a plus le moyen de suivre", a justifié Ysabel, propriétaire d'une boutique de prêt-à-porter qui a dû mettre "quatre salariés en chômage technique".
Selon le préfet de Guyane, déjà plus de 500 entreprises (sur environ 7.000, selon la CCI) ont fait des demandes de chômage technique, "et sans doute beaucoup plus, au bout du compte".
Pour Richard Gabriel, président de la CCI de Guyane, "énormément d'employés en chômage technique ne retrouveront pas leur emploi. Ca va se compter par milliers", assure-t-il.
"Tout le monde a annulé"
Les secteurs les plus touchés sont l'industrie, l'artisanat, le bâtiment -dont la fédération avait dénoncé une situation intenable dès le 9 avril- et les services, "où ça ne fonctionne plus du tout", dit-il.
Dans le secteur hôtelier, trois établissements ont fermé à Cayenne, faute de clients depuis le début du conflit, explique M. Gabriel, propriétaire de trois hôtels en Guyane. "On est en train de fermer celui de Saint-Laurent-du-Maroni, en mettant les 15 salariés en congés payés".
Le tourisme, déjà faible en Guyane, est "dans une situation catastrophique", explique Thomas Saunier, de la Compagnie des guides. "On tourne à 10% de nos capacités" depuis un mois.
Même constat pour Jean-Louis Antoine, patron de l'agence JAL, qui déplore "un arrêt d'activité complet". "Tout le monde a annulé, ce sera un mois complètement perdu", analyse-t-il.
Au total, déjà "plus d'une quarantaine d'entreprises ont déposé le bilan", selon Stéphane Lambert, président du Medef.
En Guyane, 85% des entreprises sont des très petites entreprises, qui fonctionnent à flux tendu, explique-t-il.
En cause, une économie qui dépend essentiellement de la commande publique, "mais celle-ci ne peut plus payer", précise Richard Gabriel, qui déplore également "une main d'oeuvre non qualifiée".
Selon lui, les conséquences du mouvement social seront visibles à long termes, et "beaucoup plus importantes qu'en Guadeloupe", qui tarde encore à se remettre du conflit social de 2009.
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