L'artiste française de 32 ans présente un "triptyque de projets" (sculptures, performances, installations) dont "Holy daughters" (filles sacrées) et "Holy River" (rivière sacrée) conçus en Inde et "Terracota daughters" (filles en terre cuite) créé en Chine. Ses oeuvres sont installées de manière "à résonner" avec certaines pièces du musée national des Arts asiatiques-Guimet, en raison d'une correspondance géographique, sémantique ou esthétique.
Depuis sa sortie de l'École Boule, elle questionne "le statut du genre humain", selon les époques, les religions, les zones géographiques.
Au fil de ses recherches, elle s'intéresse aux sélections prénatales et se retrouve "face à la question du genre" en découvrant les déséquilibres démographiques en Inde et en Chine qui, ensemble, totalisent un tiers de la population mondiale, rappelle-t-elle.
"L'échographie sert depuis les années 80 à sélectionner le sexe de l'enfant", souligne-t-elle, "je rends ainsi hommage aux millions de filles sacrifiées".
Sa rencontre avec le biologiste Stephen Minger au King's College à Londres a été déterminante pour elle. "Il faisait des recherches sur des embryons hybrides entre l'humain et le lapin ou la vache. C'est la base du projet +Holy Daughters+ et sa suite", explique-t-elle.
Partie en Inde, à New Delhi en 2010, la jeune femme a l'idée de provoquer localement "une réflexion".
"J'ai créé une divinité hybride à partir du corps d'une petite fille mixée +génétiquement+ avec une vache, animal sacré en Inde", la petite fille héritant de la tête et des pis de l'animal. L'artiste veut ainsi exprimer "le paradoxe qu'il y a à sacraliser la vache au détriment d'une petite fille, appelée à devenir mère un jour".
Détruire 'pas une fin en soi'
Au cours de différentes performances réalisées dans les rues de New Delhi, les habitants ont adopté sa sculpture "Holy Daughter", et l'ont même rebaptisée "Gao mata", la vache mère, assure-t-elle.
En 2011, l'artiste retourne en Inde, pour le projet "Holy River", cette fois à Calcutta, pour travailler avec des potiers qui sculptent des divinités depuis des générations. "Tout y est gris de la couleur du Gange, fleuve sacré dans lequel est puisée la terre dont sont faites leurs divinités", précise-t-elle.
Elle collabore avec eux pour reproduire sa "créature", en respectant les codes traditionnels, "comme une famille de Calcutta ferait pour passer commande d'un Ganesh ou d'une Durga".
En 2013, elle s'attaque à la Chine. "Il me fallait également un autre symbole culturel fort", dit-elle, "j'ai choisi l'armée de Xian en terre cuite", un concept viril.
L'artiste a "hybridé" le style des artisans chinois d'il y a 2.200 ans pour créer "Terracotta Daughters", sa propre armée de 108 Chinoises en terre cuite qu'elle a enfouie en 2015 sur "un site tenu secret" en Chine jusqu'à son excavation prévue en 2030. Au musée Guimet, le visiteur pourra voir une version miniature de cette "armée" en biscuit de porcelaine de Limoges.
L'artiste présente enfin à Paris un bouddha géant inédit, en plâtre piqué de bâtons d'encens, figure emblématique des civilisations asiatiques et des collections du musée. "Les pieds au rez-de-chaussée, une main au premier étage, le buste au deuxième et la tête au sommet", clôt le parcours de "Holy".
Un hommage cette fois aux Bouddhas de Bamiyan détruits par les talibans en Afghanistan, avec ce titre éloquent : "La destruction n'est pas une fin en soi".
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