M. Erdogan, 63 ans, recherchait un plébiscite. Toutefois, selon les résultats diffusés par l'agence de presse progouvernementale Anadolu, le "oui" n'a recueilli que 51,35% des suffrages dimanche après dépouillement des bulletins dans 99% des urnes.
Dans un discours télévisé, le chef de l'Etat a salué une "décision historique" du peuple turc et appelé les pays étrangers à "respecter" le résultat du scrutin.
Peu après, il a évoqué la possibilité d'organiser un nouveau référendum, cette fois-ci sur le rétablissement de la peine capitale, une initiative qui sonnerait le glas du processus d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.
Peu avant l'intervention de M. Erdogan, le Premier ministre Binali Yildirim avait lui aussi revendiqué la victoire du "oui" dans une allocution au siège du parti islamo-conservateur au pouvoir, l'AKP, à Ankara.
Mais les deux principaux partis d'opposition, le CHP et le HDP (prokurde), ont dénoncé des "manipulations" au cours du référendum et annoncé qu'ils feraient appel du résultat.
Ils fustigent notamment une mesure annoncée à la dernière minute par le Haut-Conseil électoral turc (YSK) considérant comme valides les bulletins ne comportant pas le tampon officiel du bureau de vote dans lequel ils ont été glissés dans l'urne.
Istanbul et Ankara ont voté "non"
En dépit de la victoire annoncée du "oui" dans l'ensemble du pays, le camp du "non" l'a emporté dans les trois principales villes, Istanbul, Ankara et Izmir. Les régions peuplées en majorité de Kurdes du sud-est ont aussi massivement voté contre l'accroissement des prérogatives du chef de l'Etat.
"C'est une victoire pour Erdogan mais aussi une défaite. Il a perdu Istanbul, là où il a entamé sa carrière politique", en en devenant maire en 1994, a écrit sur Twitter Soner Cagaptay, analyste spécialiste de la Turquie au Washington Institute.
"Avant tout, je m'attends à de nouvelles élections législatives (...) pour donner enfin les pleins pouvoirs à Erdogan", estime quant à lui Samim Akgönül, professeur à l'université de Strasbourg et chercheur au CNRS, jugeant "improbable" une démocratisation du régime turc.
Venus assister au discours de M. Yildirim à Ankara, des partisans de l'AKP ont laissé éclater leur joie même s'ils s'attendaient à une plus large victoire du "oui".
"On attendait plus, mais je suis heureuse", clame Yadigar Boztepe, une jeune femme tenant un drapeau turc à la main.
"Ce résultat montre qu'une partie du pays ne veut pas rendre le pays plus fort et a une mentalité européenne, l'autre partie ce sont des vrais Anatoliens", a renchéri un autre supporteur, Mustafa Umit Unsal.
Les bureaux du vote, où quelque 55,3 millions de Turcs étaient appelés à dire oui ou non à cette révision constitutionnelle, ont fermé à 17H00 heure locale (14H00 GMT).
Opposition muselée
La révision constitutionnelle prévoit en particulier l'abolition du poste de Premier ministre au profit d'un hyperprésident, alors que M. Erdogan est déjà accusé d'autoritarisme par ses détracteurs.
Si sa victoire devait être officiellement confirmée, M. Erdogan, qui a échappé à une tentative de putsch le 15 juillet, disposerait non seulement de pouvoirs considérablement renforcés, mais pourrait en théorie rester à la tête de l'Etat jusqu'en 2029. Il a occupé le poste de chef du gouvernement entre 2003 et 2014, avant d'être élu président.
Le gouvernement présente cette révision constitutionnelle comme indispensable pour assurer la stabilité de la Turquie et lui permettre de faire face aux défis sécuritaires et économiques. Mais l'opposition dénonce la dérive autoritaire d'un homme qu'elle accuse de chercher à museler toute voix critique, surtout depuis le coup d'Etat avorté.
L'opposition et les ONG ont déploré une campagne inéquitable, avec une nette prédominance du "oui" dans les rues et les médias.
La Turquie est par ailleurs sous état d'urgence depuis le putsch manqué. Quelque 47.000 personnes ont été arrêtées et plus de 100.000 limogées ou suspendues de leurs fonctions.
Le parti prokurde HDP a ainsi dû faire campagne avec ses deux coprésidents et nombre de ses élus en prison, accusés de liens avec les séparatistes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
La sécurité a également occupé une grande place dans l'organisation du scrutin, la Turquie ayant été frappée ces derniers mois par une vague sans précédent d'attaques meurtrières liées au groupe Etat islamique (EI) et à la rébellion kurde.
Quelque 380.000 policiers ont ainsi été déployés pour assurer le bon déroulement du scrutin, selon Anadolu, et les opérations de vote se sont déroulées sans incident majeur.
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