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A Bordeaux, un "cordon numérique" nourrit le "lien entre bébé et maman"

L'unité de soins intensifs de néonatologie du CHU de Bordeaux a mis en place un dispositif inédit en France: prolongement du cordon ombilical, un "cordon numérique" permet de maintenir un lien visuel et affectif entre les familles et les bébés pendant leur séjour en couveuse.

A Bordeaux, un "cordon numérique" nourrit le "lien entre bébé et maman"
Caméra vidéo à l'unité des soins intensifs de néonatologie du CHU de Bordeaux, le 12 avril 2017 - GEORGES GOBET [AFP]

Laetitia André a accouché à La Rochelle d'un petit Timéo, né à seulement six mois: "je ne l'ai vu que cinq petites minutes avant qu'on me l'arrache pour le transférer à Bordeaux", témoigne-t-elle. Ce n'est que le lendemain que la jeune mère angoissée a pu rejoindre son premier enfant. Aujourd'hui, elle est installée à la "Maison des Parents", structure d'accueil rattachée au CHU. Mais elle y est seule. Le père de Timéo, lui, est resté à La Rochelle: "il n'a plus de vacances". Alors pour cette famille, comme pour beaucoup d'autres, le "cordon numérique", c'est pour papa qui travaille et reçoit tous les soirs une alerte signalant la vidéo du jour de Timéo.

Cet "outil passerelle, simple d'utilisation, maintient le lien crucial dans les premières heures de la vie" avec les parents et la fratrie, explique Nelly Meunier, co-fondatrice de la société high-tech bordelaise, Hopen Project, maître d'oeuvre du projet.

Dans l'unité de soins bordelaise, 16 caméras pour 16 couveuses. Un oeil électronique fixé au-dessus de chaque berceau médicalisé filme les bébés. Les images sont projetées en temps réel sur le "bbWall" (mur des bébés), une mosaïque de nourrissons endormis sur un écran témoin surveillé par un cadre de santé qui sélectionne les images et les transmet par internet aux familles, via des comptes personnalisés.

Le CHU est très strict sur "l'absolue nécessité de confidentialité", insiste Nelly Meunier. "Les vidéos transitent sur un data center ultra sécurisé, installé dans les locaux du CHU, le temps de l'hospitalisation du bébé, puis sont systématiquement détruites après son départ".

Les polaroids de Roseline

Tout est parti des polaroids de Roseline Roux, cadre de santé retraitée du CHU qui avait eu, la première, l'idée de prendre les prématurés en photo pour leurs parents éloignés, raconte Anne Dumas-Laussinotte, qui pilote l'opération pour le CHU.

Aujourd'hui, "le +cordon numérique+, c'est toute une philosophie de soins, explique cette ancienne puéricultrice. Voir son bébé arraché à la naissance est une véritable blessure, il faut donc recoller cette déchirure au stade le plus précoce possible, en envoyant dans les premières minutes de la vie les images de bébé à sa mère si elle est éloignée, pour la rassurer. C'est cette réassurance qui évite le trou noir dans la relation", et minimise parfois certains risques de dépression post-partum.

Responsable de l'unité, le Dr Jean Sarlangue se souvient d'une mère, originaire de Dordogne, longtemps séparée de ses jumelles traitées à Bordeaux. "Elle m'a dit un jour: +j'ai loupé le début du film de la vie de mes enfants+". Un traumatisme pour "cette mère partie accoucher avec deux bébés dans le ventre et qui s'est réveillé sans bébé", résume le pédiatre.

Un cas fréquent, comme pour ces mères de grands prématurés accouchant par césarienne, et donc inconscientes à la naissance.

Le cordon numérique, qui rompt "l'éloignement géographique mais aussi charnel entre mère et enfant", est donc un "+plus+ évident pour la vie psychique des parents", assure le Dr Sarlangue.

Au CHU, à peine la moitié des bébés --traités pour de lourdes pathologies néonatales ou de grandes prématurités-- sont nés en Gironde. C'est donc dans toute la Nouvelle Aquitaine, et même au-delà, jusqu'au Maroc, qu'une trentaine de familles a déjà testé l'outil depuis sa mise en place en 2016.

Coût total de l'opération, 115.000 euros entièrement financés par l'association Aquitaine Destination, "grâce notamment aux dîners caritatifs animés par deux grands chefs étoilés: François Adamski et Michel Roth", précise son président Benat Cazenave.

"Ce qui n'empêche pas un appel à d'autres mécénats", souligne Nelly Meunier, qui veut étendre le projet à d'autres centres hospitaliers.

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