De nombreuses femmes afghanes subissent des niveaux catastrophiques de violences domestiques. Mais face à l'étouffante mentalité patriarcale de la société, certaines testent un nouvel outil d'émancipation: le divorce.
L'islam n'interdit pas le divorce, mais ne l'encourage pas non plus. Si le nombre de séparations a augmenté dans l'Afghanistan post-taliban, il demeure extrêmement difficile à obtenir pour les femmes.
"C'est un drogué et un alcoolique", accuse Nadia en parlant de son mari. "Je ne peux plus vivre avec lui", souffle-t-elle, assise près de son père, à Jalalabad (est).
Des anciens de leur communauté tribale pachtoune ont bien tenté de la convaincre de retourner auprès de son époux. En vain. Nadia est devenue la première femme de sa famille depuis des générations à demander le divorce.
"Dieu a donné des droits aux femmes. Le divorce est l'un d'eux", souligne la jeune femme, qui prépare son dossier avec l'aide d'un programme du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) établi en 2014, le fonds d'aide juridique (Legal aid grant facility, LAGF).
Les statistiques nationales sont difficiles à trouver en Afghanistan, mais le LAGF indique avoir traité un nombre grandissant de cas dans le pays -- au total 82 cas ces trois dernières années.
"Les Afghanes qui ont la chance de démarrer une nouvelle vie deviennent des exemples pour d'autres femmes, démontrant qu'un mariage malheureux ou abusif n'est pas obligatoirement une condamnation à vie", souligne Heather Barr, chercheuse pour le compte de l'ONG Human Rights Watch.
Tribunaux misogynes
Il est relativement facile pour un homme de demander le divorce en Afghanistan, y compris par une simple déclaration orale à l'épouse.
Les femmes en revanche doivent passer devant un tribunal et ne peuvent obtenir la séparation que dans certains cas précis, comme l'abandon ou la maltraitance.
S'assurer les services d'un avocat est une gageure, même pour qui en a les moyens: il n'est pas rare que ceux représentant des femmes dans des cas de divorce soient menacés de mort.
"Le divorce est l'un des exemples les plus flagrants que la discrimination est toujours inscrite dans la loi en Afghanistan", note Mme Barr.
"Entre la difficulté de trouver un avocat, la corruption et la misogynie des tribunaux, et le faible taux d'alphabétisation des femmes, le résultat est qu'il est quasi impossible de divorcer pour beaucoup de femmes", ajoute-t-elle.
Ainsi Nafisa, 22 ans, se trouve coincée dans l'incertitude, en raison du refus de son mari de divorcer.
Après 11 années de fiançailles, il l'a épousée in absentia depuis Londres, se faisant représenter par un dignitaire religieux lors d'une cérémonie de noces à Jalalabad.
Mais il se refuse depuis à revenir en Afghanistan ou à la faire venir auprès de lui, ce qui a poussé Nafisa à quitter la maison de ses beaux-parents et à demander le divorce.
La famille de la jeune femme n'a pas autorisé l'AFP à lui parler. Selon son oncle, l'acrimonieuse procédure de divorce a couvert de honte la famille et jette une ombre sur ses perspectives de remariage.
'Ne gâche pas ta vie'
C'est en partie pour cette raison que le divorce est souvent découragé. Les femmes divorcées vivant de manière indépendante sont rares en Afghanistan. Elles font souvent l'objet de soupçons et d'intimidations.
Les femmes en quête de séparation sont presque toujours poussées à chercher un compromis, parfois par le biais d'une médiation.
L'AFP a pu assister à une session de ce type organisée à Kaboul par l'association Women for Afghan Women, qui a réuni Zahra, 24 ans, son mari et sa belle-mère.
Zahra reproche à son mari, avec qui elle a quatre enfants, de se droguer et d'avoir pris une seconde épouse après être tombé amoureux de la fille de leur voisin. Elle veut divorcer.
"Il se drogue devant notre bébé. Ensuite il me maltraite", lance-t-elle.
"Ne gâche pas ta vie. Pense aux enfants", lui objecte sa belle-mère. "Son autre épouse dit que c'est de ta faute s'il a pris une deuxième femme".
Le mari reste assis silencieux sous le flot de récriminations.
"Les gens disent que tu vis dans un refuge et fais des choses mauvaises", insiste la belle-mère.
Zahra, depuis qu'elle a quitté le domicile conjugal, vit dans un refuge pour femmes battues, un lieu que les plus conservateurs n'hésitent pas à assimiler à une "maison close".
"Un jour, il m'a tellement battue que je suis allée voir mon beau-frère et l'ai supplié de me donner de l'argent pour de la drogue", reprend Zahra, en larmes.
"Rentre à la maison", répond la belle-mère. "Il ne te battra plus".
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