"Ici c'était l'église, où est tombé l'un des premiers obus, le 13 septembre 1914 vers 11H30 : deux aumôniers donnaient une messe pour un régiment et la voûte s'est écrasée sur eux", raconte Noël Genteur, 65 ans, mémoire vivante des lieux et maire de Craonne de 1989 à 2014.
A l'aide de photos d'époque tirées de sa collection privée, il dessine, l'index en l'air, la configuration du Vieux Craonne, nom donné au village "pulvérisé" pendant la Grande Guerre par opposition à l'actuelle commune, 70 âmes environ, reconstruite quelques mètres en aval "à partir des années 1920".
Le Craonne d'autrefois, ses maisons, ses rues et ses commerces : tout a disparu, laissant la terre boursouflée par les combats former des monticules recouverts de verdure, d'arbres et de fleurs. La place de la Croisette est devenue un parking pour les visiteurs qui n'ont que des panneaux explicatifs et leur imagination pour se représenter le passé.
"Les habitants, qui se cachaient dans les caves des maisons, ont été évacués en septembre 1914 à la faveur d'une accalmie" puis les combats, particulièrement intenses en 1917, ont défiguré le village, souligne M. Genteur, qui a appris l'histoire de la guerre 14-18 par les récits de ses aïeux.
"Grand-père m'a dit +c'est terrible ce qu'il s'est passé ici+. Il a cherché son village quand il est revenu...Il ne restait plus rien, tout était déchiqueté, il y avait des barbelés et des morts partout", confie-t-il.
Dimanche 16 avril, à l'occasion des commémorations de la bataille du Chemin des Dames, un moment de recueillement sera observé à Craonne avant le début de la cérémonie officielle.
'Gruyère'
Si rien n'a jamais été reconstruit à l'emplacement de l'ancien Craonne, c'est parce que "les Allemands avaient relié toutes les caves du village entre elles pour créer d'immenses tunnels : en-dessous, tout est creux, c'est un gruyère", explique Franck Viltart, le Monsieur "Mission Centenaire" au conseil départemental de l'Aisne.
Pour dénicher les quelques rares vestiges ayant résisté au conflit, il faut emprunter un sentier forestier qui mène jusqu'à l'ancien cimetière communal, où les pierres tombales - le granit de certaines brisé net - sont grignotées par la végétation, parfois camouflées sous le lierre.
Ici repose notamment Yves Gibeau, romancier antimilitariste auteur d'"Allons z'enfants", venu passer la fin de sa vie près du Chemin des Dames dans cet endroit qu'il appelait curieusement "le Paradis".
Épicentre des combats en avril 1917, le village ne sera libéré définitivement qu'en octobre 1918, un an après la prise du fort de la Malmaison. Bilan de la bataille: 187.000 pertes côté français et 163.000 côté allemand.
A l'instar de Craonne, "cinq villages sur le front n'ont jamais été reconstruits", indique Franck Viltart, au sommet de la tour-observatoire sur le plateau du Chemin des Dames, d'où la topographie entre vallées et pentes escarpées laisse deviner l'extrême difficulté des troupes à progresser.
Ce qui a inspiré aux Poilus "la Chanson de Craonne" : "Adieu la vie, adieu l'amour, adieu toutes les femmes. C'est bien fini, c'est pour toujours, de cette guerre infâme. C'est à Craonne, sur le plateau, qu'on doit laisser sa peau, car nous sommes tous condamnés, c'est nous les sacrifiés !", un refrain préfigurateur des mutineries consécutives à l'échec de l'offensive du général Nivelle.
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