Malgré une évidente différence de moyens, le camp du non, qui réunit pêle-mêle des laïcs, des Kurdes et certains nationalistes, est tout de même parvenu à se faire suffisamment entendre pour que l'issue du vote de dimanche soit présentée comme serrée par les sondeurs.
De part et d'autre d'une grande artère, sur la place principale de la capitale, des militants distribuent des tracts depuis un mois, pour ou contre le référendum, sur fond de chants de campagne rivaux crachés par des haut-parleurs montés sur deux camions.
Des jeunes de la principale formation d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP, social démocrate), arpentent la place avec leurs vestes flanquées du mot "Hayir" (non).
"Notre objectif ici est de faire basculer les indécis", explique Sevgi, étudiante de 23 ans, qui a mis ses études entre parenthèses le temps de la campagne, "beaucoup plus importante" à ses yeux.
Selon elle, les gens qui les abordent en se disant indécis sont souvent des électeurs du Parti de la Justice et du Développement (AKP), au pouvoir, qui ne sont pas convaincus par la réforme constitutionnelle qui donnerait de vastes prérogatives au président Recep Tayyip Erdogan.
En plus du tractage, les militants CHP ont lancé une grande opération de porte-à-porte, ciblant notamment les jeunes qui voteront pour la première fois dimanche et auxquels le chef du parti, Kemal Kiliçdaroglu, a adressé une lettre, pour les convaincre de voter non.
"Certains nous expliquent qu'ils veulent voter non, mais qu'ils ne peuvent pas le dire autour d'eux à cause de la pression", raconte Tolgay Yorulmaz, un des responsables des jeunes du CHP. "Nous expliquons aux gens que nous sommes face à un système où un seul homme gouverne, comme c'est le cas dans les pays du Moyen-Orient", dit-il. Le texte "ne résoudra aucun des problèmes des citoyens turcs".
Répression
Un peu plus loin sur la place, une dizaine de militants, qui n'ont pour stand qu'une petite table installée sur un bout de trottoir, distribuent des tracts pour le non, sans que le nom des parrains de cette initiative n'y apparaisse.
"Si on met notre nom, on se fait arrêter", explique Özgür Topçu, responsable local de l'Union des ingénieurs et architectes (TMMOB), ajoutant que la police avait tenté de les empêcher de faire campagne dans les rues d'Ankara.
L'OSCE, qui a envoyé une mission d'observateurs en Turquie pour le référendum, a publié la semaine dernière un rapport dans lequel elle affirme, exemples à l'appui, que les partisans du non ont été confrontés à "des interdictions de faire campagne, des interventions policières et de violentes rixes lors de leurs événements".
L'ONG Reporters sans frontières (RSF) a par ailleurs affirmé mercredi dans un communiqué que "le débat public n'aura pas été à la mesure des enjeux" de ce référendum, du fait "d'une répression sans précédent contre les médias indépendants".
Mais si le CHP a globalement pu mener sa campagne, le Parti démocratique des peuples (HDP) a dû faire face à de nombreux obstacles. Il n'a disposé que de très peu de temps d'antenne sur les chaînes de télévision nationales, et nombre de ses responsables sont actuellement en prison, dont ses deux co-présidents, Selahattin Demirtas et Figen Yüksekdag.
"C'est regrettable, nous sommes le troisième parti du pays, mais pendant cette campagne nos deux co-présidents, nos députés, nos maires, nos responsables sont en prison", affirme à l'AFP Birsen Kaya, co-présidente de la branche ankariote du HDP, au cours d'un rassemblement organisé dans la capitale par le parti à une semaine du référendum, auquel seules quelques centaines de personnes se sont rendues.
"Nous disons non, pour la liberté", affirme Hakima Ugurtas, un drapeau rouge flanqué du non à la main, au côté de son époux et de leurs deux enfants.
Mehtap Dinçer, venue de Van (est), votera non. "Car nous ne voulons pas qu'un homme seul ait le monopole sur toute la Turquie".
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