"Les jeunes veulent briser les règles, ont envie de voir des choses plus intéressantes dans la rue ou sur les murs, alors nous faisons des graffitis pour nous exprimer", explique Kong, 21 ans, les doigts tout tachetés de peinture.
Ce dernier appartient à un groupe de graffeurs d'Ho Chi Minh-Ville, la capitale économique du pays communiste, où de plus en plus de jeunes se passionnent pour le vélo BMX, le skateboard et le breakdance.
Mais la plupart des artistes comme Kong évitent de se mêler de politique, optant plutôt pour des dessins purement artistiques et ludiques qui ne vont pas heurter les règles de censure de cette nation autoritaire.
"Ceux qui ont grandi ici et sont allés à l'école ici, on leur a appris comment penser, donc ils ont intégré une certaine forme d'autocensure", estime Dan Nguyen, artiste vietnamien né en Californie et revenu vivre à Ho Chi Minh-Ville il y a cinq ans.
Au Vietnam, toute exposition ou spectacle vivant doit être validé par les autorités. Conséquence: le simple fait de passer du temps à dessiner sur les murs et de ne pas se consacrer uniquement à la recherche d'un emploi stable est considéré comme un acte politique.
Même si les graffitis ne sont pas vraiment autorisés, la police a tendance à fermer les yeux.
Kong a découvert le street art dès l'adolescence, alors que les jeux en ligne l'ennuyaient et qu'il était à la recherche d'un débouché créatif. Au grand désespoir de ses parents.
"Ils n'aiment toujours pas... ils pensent que c'est dangereux et que c'est mauvais pour ma santé à cause de la peinture en aérosol", dit-il avec un petit rire.
Pas du goût de tous
En quelques années, Ho Chi Minh-Ville est tout de même devenue l'un des hauts lieux du graffiti dans la région, grâce à des artistes locaux avant-gardistes mais aussi à des étrangers heureux de trouver un lieu encore non saturé de dessins muraux.
Aujourd'hui, la ville possède plusieurs pôles culturels consacrés aux graffitis et à l'art de la rue, notamment "3A Station", un ensemble de bâtiments coloniaux qui auraient été occupés par la CIA pendant la guerre du Vietnam.
"Cela fait partie de Saïgon, on ne peut plus imaginer Saïgon sans graffitis", estime Nguyen Nhu Huy, qui dirige le centre 3A Station et emploie l'ancien nom colonial de la ville.
Devant ces murs saturés de dessins aux couleurs éclatantes, les touristes se pressent pour prendre des selfies. Mais cela n'est pas du goût de tous.
"Le gouvernement ne nous aime pas. Ils disent que les murs sont sales à cause de nous, mais les gens nous apprécient alors on continue avec nos graffitis", explique Danny Daos, qui aime les artistes new-yorkais de Brooklyn ou du Bronx.
Certains dessins qui osaient s'aventurer sur des terrains plus polémiques ont été vandalisés. Une fresque publique évoquant l'environnement après un grand scandale écologique autour de la mort de milliers de tonnes de poissons a ainsi été dégradée à Danang (centre).
Mais la plus grande menace pour le street art d'aujourd'hui est le boom de la construction. Encerclée de tous les côtés par de grands immeubles, la demeure coloniale qui abrite 3A Station à Ho Chi Minh-Ville a été vendue à des promoteurs... et le lieu est promis à la destruction dans les semaines qui viennent.
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