"On comprend vos revendications. Mais ce soir, ça part en live. Le commissaire est sérieusement blessé", a déclaré un policier au mégaphone depuis la porte d'entrée de la préfecture, barricadée.
"Blessé lourdement à la clavicule", cet homme est resté "inconscient au sol pendant une dizaine de minutes" et "on a été obligé d'utiliser du gaz lacrymogène pour l'extraire", avant qu'il ne soit évacué par les secours, a déclaré dans la nuit de vendredi à samedi Laurent Lenoble, directeur de cabinet du préfet de Guyane, à l'AFP.
Le ministre de l'Intérieur, Matthias Fekl, a "condamné avec la plus grande fermeté les violences commises contre les forces de l'ordre".
Plusieurs autres policiers, ainsi qu'un autre commissaire, ont en effet été "légèrement blessés" après avoir été également frappés, selon M. Lenoble. Le collectif a "pris un tournant" qui est "loin de respecter les valeurs républicaines" et il s'est "discrédité", a-t-il regretté.
"A cette heure, l'état de santé du commissaire n'inspire plus d'inquiétude", a toutefois indiqué M. Fekl dans un communiqué, saluant "le grand professionnalisme et le sang-froid des forces de l'ordre".
D'après un membre du collectif "Pou La Gwiyann dékolé" (Pour que la Guyane décolle), qui organisait depuis le milieu d'après-midi un rassemblement devant le préfecture, pour exiger la prise en compte de ses revendications, les "500 frères contre la délinquance", un groupe dont les membres encagoulés encadrent les manifestations, "avaient fait un cordon devant les policiers". "Mais la foule a réussi à porter des coups".
L'ambiance était devenue électrique, alors qu'une délégation ayant rendez-vous avec le préfet avait longuement patienté, avant d'être éconduite.
"C'est du foutage de gueule. Il ne faudra pas pleurer après cela. C'est de la faute de la France", avait déclaré peu avant les incidents Mikaël Mancée, un porte-parole des "500 frères", tandis que les esprits s'échauffaient.
"On a compris qu'ils avaient l'intention d'investir la préfecture", comme le collectif a occupé dans la nuit de mardi à mercredi le centre spatial, à Kourou, a justifié Laurent Lenoble, pour qui les policiers n'ont commis "aucune provocation".
"On n'ira pas au-delà"
"Nous venons chercher la discussion, et on nous amène les lacrymos", a de son côté vitupéré Dimitri Guard. Et ce cadre du collectif de s'interroger : "devant la préfecture, il y a beaucoup enfants. On ne peut déjà pas leur proposer d'éducation en Guyane. Est-ce qu'en plus il faut les gazer ?"
La Guyane connaît depuis deux semaines un mouvement social sur fond de revendications sécuritaires, sécuritaires, sanitaires et éducatives. Alors que le Conseil des ministres a validé mercredi une aide d'urgence de plus d'un milliard d'euros à destination de ce département d'Outre-mer sinistré, "Pou La Gwiyann dékolé" réclame 2,1 milliards supplémentaires.
"On ne peut pas aller au-delà et on n'ira pas au-delà", a répondu Laurent Lenoble. De nouvelles demandes devront être faites au prochain gouvernement, "qui aura cinq ans pour travailler", a-t-il remarqué.
Le mouvement semblait être entré dans une phase de division, certains appelant au démantèlement des barrages érigés sur le territoire, alors que d'autres veulent aller "jusqu'au bout".
Jeudi soir, le collectif avait annoncé qu'il maintenait le dispositif. "Si on lève les barrages, la plupart des gens retourneront travailler. Et c'en sera fini du mouvement", avait commenté un membre du collectif. La maire de Cayenne Marie-Laure Phinera-Horth (PS), interrogée par l'AFP, a appelé à "arrêter la crise".
Une "grève générale illimitée" a été décrétée le 25 mars en Guyane. L'activité économique est au point mort depuis plus de deux semaines.
Le blocage du port de Cayenne, par lequel passent plus de 90% des importations et exportations de la Guyane, provoque des pénuries. Dans les supermarchés, les rayons de produits frais sont vides.
Tous les vols ont été annulés jeudi à l'aéroport de Cayenne, après que les pompiers ont cessé le travail dans cette infrastructure qui fonctionnait déjà a minima.
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