En déambulant dans les rues d'Istanbul, il apparaît clairement que la campagne pour le référendum sur le renforcement des pouvoirs présidentiels est inégale : au sol, des autocollants pour le "oui"; dans les airs, des bannières frappées du visage de Recep Tayyip Erdogan; et sur les murs, des affiches annonçant un meeting géant du chef de l'Etat samedi.
Moins visible, la campagne pour le "non" est toutefois bien là. Une stratégie, la simplicité, avec une fillette et un soleil dessiné au crayon de couleur pour logo. Et un slogan : "Pour notre avenir".
Selon Penguen, le temps d'antenne en direct consacré au "oui" est dix fois supérieur à celui accordé au "non".
Malgré ce déséquilibre que dénonce le camp du "non", la campagne est féroce et les experts prédisent un score serré au cours de ce scrutin déterminant pour l'avenir de la Turquie.
L'enjeu a poussé les deux camps à s'affranchir de la courtoisie politique, multipliant les attaques ad hominem et les coups sous la ceinture. Cette guerre a investi les mots "oui" et "non" ("evet" et "hayir" en turc) d'une portée symbolique.
Habitudes bouleversées
Emmenés par M. Erdogan, les dirigeants turcs s'efforcent de stigmatiser les "nonistes", accusés de faire obstacle au développement de la Turquie.
Le chef de l'Etat turc affirme en outre régulièrement que les partisans du "non" font le jeu des "terroristes" et des "putschistes" qui redouteraient une victoire du "oui".
Le bouquet de télévision par satellite Digitürk a retiré sans explication de son offre le film "No" du réalisateur chilien Pablo Larrain, nominé aux Oscars en 2012.
Ce film, dont le premier rôle est tenu par Gael Garcia Bernal, raconte la défaite du dictateur Pinochet lors d'un référendum sur l'extension de son mandat en 1988, malgré une campagne pour le "non" faite de bouts de ficelle.
Le mot "non" est devenu brûlant, au point de changer certaines habitudes. Ainsi, à la sortie de la prière du vendredi, de nombreux croyants ne se souhaitent plus "hayirli cumalar" ("bon vendredi"), l'expression contenant le terme "hayir".
Ces excès font les délices de la presse satirique. Ainsi, l'inévitable Penguen a récemment publié un numéro à la une mémorable: une jeune femme répond "non" à la demande en mariage de son prétendant, lequel répond "Je vais te dénoncer".
En février, le principal quotidien du pays, Hürriyet, a renoncé à publier un entretien avec le prix Nobel de littérature Orhan Pamuk dans lequel l'auteur de "Mon nom est Rouge" annonçait qu'il comptait voter "non" au référendum.
Dans le camp du "oui", la campagne prend souvent des formes surprenantes. Ainsi, un couple de Diyarbakir (sud-est) a prénommé son nouveau-né "Evet", selon la chaîne d'information CNN-Türk.
"Nos proches ont réagi de manière positive", raconte le père, précisant -si besoin était- qu'il allait voter "oui" lors du référendum.
Lance-flamme
Dans un apparent geste symbolique de conciliation qui a surpris ses partisans comme ses opposants, M. Erdogan s'est rendu la semaine dernière à un stand de campagne du "non" à Istanbul.
Pour les observateurs, cette initiative est la reconnaissance par M. Erdogan que les attaques au lance-flamme contre le "non" pourraient troubler les indécis, et desservir le camp du "oui".
Dans le bastion laïque de Kadiköy, sur la rive asiatique d'Istanbul, de jeunes volontaires du "non" distribuent des tracts au slogan humoristique : "Je ne donnerais pas autant de pouvoirs à mon propre père".
"On écrit des messages au crayon dans les rues. En même temps, on explique aux gens pourquoi on refuse de donner autant de pouvoirs à Erdogan", indique à l'AFP une militante, Demet Koca.
Engin Kara, étudiant et leader de ces "volontaires du +non+", accuse le gouvernement de diaboliser les opposants au référendum.
"Tout ce qu'ils disent, c'est que +les organisations terroristes sont pour le +non+ et que par conséquent, ceux qui sont pour le +non+ les soutiennent. Ils essaient de marginaliser ceux qui veulent voter +non+", dit-il.
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