Une décision américaine de frapper le régime syrien pourrait être suspendue au vote prévu vers 23H00 GMT du Conseil de sécurité de l'ONU d'une résolution des Occidentaux mais à laquelle la Russie pourrait opposer son veto.
C'est le discret chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson qui s'est montré le plus ferme en annonçant que Washington "envisageait une réponse appropriée" au raid de mardi contre la localité de Khan Cheikhoun dans le nord-ouest de la Syrie qui a fait au moins 86 morts, dont 30 enfants.
Lors d'une déclaration impromptue en Floride où il accueillait le président chinois Xi Jinping, M. Tillerson a promis une "réponse sérieuse" à "une question sérieuse", dénonçant les "violations de toutes les résolutions précédentes des Nations unies (et) des normes internationales".
Il n'a cependant pas été plus précis.
Mais d'après un responsable américain, la Maison Blanche examine des options militaires que lui a présentées le Pentagone. Elles comporteraient des frappes afin de clouer au sol l'aviation syrienne. Le secrétaire à la Défense James Mattis en discuterait activement avec le conseiller à la sécurité nationale du président Donald Trump, le général H.R. McMaster.
Indigné, M. Trump avait menacé mercredi de passer à l'action après cette attaque imputée au régime de Damas, qu'il a qualifiée d'"odieuse" et d'"affront à l'humanité".
"Honte pour l'humanité"
"Ce qui s'est passé en Syrie est une honte pour l'humanité et il est au pouvoir, donc je pense que quelque chose devrait se passer", a-t-il réaffirmé jeudi en arrivant en Floride pour rencontrer son homologue chinois.
Son secrétaire d'Etat Tillerson a en outre plaidé pour le départ du président syrien, après avoir dit le contraire il y a une semaine.
Dorénavant aux yeux de M. Tillerson "le rôle d'Assad à l'avenir est incertain et avec les actes qu'il a perpétrés, il semblerait qu'il n'ait aucun rôle pour gouverner le peuple syrien".
Jeudi dernier en Turquie, il avait affirmé que le sort du chef de l'Etat syrien devait être tranché "par le peuple syrien", semblant s'accommoder de son maintien au pouvoir. L'ambassadrice américaine à l'ONU Nikki Haley avait abondé dans le même sens - "Il faut choisir ses batailles" - avant de durcir sa position cette semaine.
Il faut dire que l'attaque chimique présumée a eu "un énorme impact sur moi", a reconnu mercredi Donald Trump, concédant que son "attitude vis-à-vis de la Syrie et d'Assad avait nettement changé".
Les grandes puissances en débattent dans un bras de fer depuis deux jours au Conseil de sécurité, Moscou et son allié syrien rejetant les accusations des Occidentaux. L'attitude de la Russie, qui dispose d'un droit de veto, reste incertaine pour voter une résolution demandant une enquête sur l'attaque.
Paris a mis en garde Moscou, qui a déjà utilisé à sept reprises son droit de veto pour bloquer toute action du Conseil sur Syrie, où la guerre a fait depuis mars 2011 plus de 320.000 morts. "Ce serait une responsabilité terrible face à l'Histoire", a tonné l'ambassadeur français à l'ONU François Delattre.
Mais le président russe Vladimir Poutine a répliqué qu'il était "inacceptable" d'accuser sans preuve. Pour Moscou, Washington ne dispose pas d'une information "fiable" pour pointer du doigt, avec Paris et Londres, le régime de Damas.
Enfants pris de convulsions
L'indignation internationale a pris de l'ampleur après des images d'enfants pris de convulsions sous leur masque à oxygène, de personnes gisant dans les rues et saisies de spasmes, de la mousse sortant de la bouche. Le caractère chimique de l'attaque semble ainsi se préciser, même si les circonstances restent controversées.
En Turquie, où de nombreux blessés ont été évacués, les premières analyses "effectuées à partir des éléments prélevés sur les patients laissent penser qu'ils ont été exposés à un agent chimique", selon le ministère de la Santé. Des médecins et des ONG comme Médecins sans frontières (MSF) ont également évoqué l'utilisation d'"agents neurotoxiques", en particulier le gaz sarin.
Ce gaz est inodore et invisible. Même s'il n'est pas inhalé, son simple contact avec la peau bloque la transmission de l'influx nerveux et entraîne la mort par arrêt cardio-respiratoire.
Le régime syrien a été accusé d'avoir utilisé du gaz sarin le 21 août 2013 dans l'attaque de localités aux mains des rebelles en périphérie de Damas, qui avait fait au moins 1.429 morts, dont 426 enfants, selon les Etats-Unis.
L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) a annoncé qu'une enquête était en cours et dit avoir "pris contact avec les autorités syriennes". Mais leur chef de la diplomatie, Walid Mouallem, a réaffirmé que l'armée syrienne "n'a pas utilisé et n'utilisera jamais" des armes chimiques contre son propre peuple, "pas même contre les terroristes", mot utilisé par le régime pour désigner rebelles et jihadistes.
D'après lui, l'aviation a frappé "un entrepôt de munitions appartenant" à des jihadistes et "contenant des substances chimiques". Une explication déjà avancée par l'armée russe mais jugée "fantaisiste" par des experts militaires.
Hassan Youssef, un habitant, a raconté à l'AFP qu'il avait survécu à l'attaque en montant sur le toit d'un immeuble. "J'avais entendu à la télévision qu'au moment d'une attaque chimique, il faut se rendre dans un endroit élevé car les substances toxiques restent plus proches du sol", a expliqué cet homme de 40 ans, hospitalisé à Idleb, à 65 km au nord de Khan Cheikhoun.
A LIRE AUSSI.
Armes chimiques en Syrie: bras de fer attendu à l'ONU sur les sanctions
Syrie: un millier de personnes évacuées d'Alep, vote à l'ONU
Les accusations d'armes chimiques sont des "mensonges", assure la Syrie
Alep: appel de six capitales à un "cessez-le-feu immédiat"
Reprise attendue des évacuations dans la ville syrienne d'Alep
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.