Quelque 54 tableaux sont exposés à la Fondation de l'Hermitage, qui a consacré une salle sur l'origine douteuse, documents à l'appui, de certaines oeuvres acquises pendant la 2ème guerre mondiale, durant laquelle des dizaines de milliers d'oeuvres d'art ont été spoliées par l'Allemagne nazie.
Emil Bührle (1890-1956) n'est pas un collectionneur comme les autres. Selon le Dictionnaire historique de la Suisse, cet Allemand arrivé en Suisse en 1924 et naturalisé en 1937 est devenu multi-millionnaire pendant la 2ème guerre mondiale.
"Les ventes d'armes à la Wehrmacht et aux armées des alliés du Reich de juin 1940 à septembre 1944" ont fait passer sa fortune de 140.000 francs suisses à 127 millions de francs suisses, ajoute-t-on de même source.
L'origine de la Collection Bührle fait débat depuis longtemps en Suisse, où l'industriel zurichois, ainsi que son fils Dieter qui a repris le flambeau en 1956, étaient considérés comme des marchands d'armes sans état d'âme par la presse.
Emil Bührle était un acheteur frénétique comme le montre le catalogue de l'exposition, qui publie pour la première fois un index avec les 633 oeuvres achetées par l'industriel durant toute sa vie, avec les noms des vendeurs et les prix d'acquisition.
La plupart de sa collection a été achetée après-guerre, entre 1951 et 1956.
L'homme aimait particulèrement les impressionnistes français: 54 tableaux signées Renoir, Degas, Cézanne, Monet, Pissarro, Sisley ou Van Gogh issues de sa Collection sont présentées à Lausanne.
La "Liseuse"
Durant la 2ème guerre, il a acheté une centaine de toiles, dont 13 se sont révélées être des oeuvres spoliées aux Juifs et qu'il a dû restituer à la fin du conflit, sur décision de justice du Tribunal Fédéral, la plus haute instance judiciaire du pays.
Bürhle en racheta neuf aux propriétaires spoliés, parmi lesquels figurait le célèbre marchand d'art français Paul Rosenberg qui lui a vendu la "Liseuse" de Jean-Baptiste Camille Corot.
La toile fait partie de l'exposition de Lausanne qui recèle d'autres oeuvres majeures de l'histoire de l'art: le "Champ de coquelicots près de Vétheuil" peint par Claude Monet vers 1879, "Le petit garçon au gilet rouge" de Paul Cézanne, "Le semeur, soleil couchant" (1888) de Vincent van Gogh, ou le "Portrait de mademoiselle Irène Cahen d'Anvers", peint en 1880 par Renoir.
Le débat sur l'origine de la Collection Bührle a été relancé en 2015, avec la publication du "Livre noir Bührle", écrit par un journaliste et un historien.
Les auteurs estiment notamment que la notion de spoliation devrait s'appliquer à "toutes les transactions qui n'auraient pu être conclues si les Nazis n'avaient pas été au pouvoir, ce qui inclut les oeuvres vendues en Suisse par des Juifs qui étaient forcés de fuir".
Accepter une telle définition reviendrait à dire qu'une bonne partie de la collection de Bührle a des origines douteuses, selon l'un des auteurs.
A Lausanne, une salle de l'exposition présente des documents d'archives permettant de mieux comprendre la provenance des oeuvres, notamment celles qui se sont révélées être des oeuvres spoliées.
"Il ne faut pas punir les oeuvres en raison de leur passé, un musée n'est pas un tribunal mais un lieu de mémoire", estime Sylvie Wuhrmann, directrice de la Fondation de l'Hermitage.
"Notre rôle en tant qu'institution est aussi didactique, il s'agit de sensibiliser le public à la notion d'art spolié, de le rendre attentif au parcours parfois complexe de certains de ces chefs d'oeuvre", explique-t-elle dans les colonnes du journal Le Temps.
Aujourd'hui, la Fondation Bührle est présidée par un petit-fils du collectionneur, Christian Bührle.
Jusqu'en 2015, la Collection Bührle était visible dans un musée très confidentiel à Zurich. Le musée, une annexe de l'ancienne résidence de Bührle, avait été cambriolé en 2010 par des hommes armés, qui avaient dérobé 4 chefs d'oeuvre, dont "Le garçon au gilet rouge" de Cézanne. Les tableaux ont été retrouvés.
Après Lausanne, la Collection Bührle partira pour le Japon avant de rejoindre à l'horizon 2020 la nouvelle aile du grand musée zurichois, le Kunsthaus.
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