Mercredi 1er mars, de retour d'un séjour scolaire à Bruxelles, "trois de mes élèves se sont fait contrôler par des policiers" à la gare du Nord, témoigne Elise Boscherel, enseignante à Epinay-sur-Seine, auprès de l'AFP.
Des contrôles, avec palpation et fouille des bagages, qu'elle estime "liés à leur apparence physique: Ilyas est d'origine marocaine, Mamadou d'origine malienne et Zakaria d'origine comorienne", poursuit l'enseignante de 34 ans.
Ce n'est pas la première fois qu'Elise Boscherel fait face à "un contrôle d'identité ou à des comportements mal intentionnés de la part d'adultes dans les gares, dans le métro, dans le train ou dans les musées".
Mais l'incident l'a décidée à lancer un appel à "tous les personnels d'éducation" pour les inciter à porter plainte. Elle réclame que l'Education nationale se saisisse du problème.
Sans quoi les profs de banlieue y réfléchiront à deux fois avant d'emmener leurs élèves au musée, craint-elle.
Début décembre, une enseignante d'un lycée de Stains s'était plainte que ses élèves aient été réprimandés par un gardien du musée d'Orsay. Mais la direction avait assuré qu'il s'était contenté de les rappeler à l'ordre parce qu'ils étaient trop bruyants.
"Le regard qui est porté sur les élèves de banlieue peut être violent. L'an dernier, un bouquiniste des quais (de la Seine à Paris) a traité mes petits de sixième tout mignons de +racaille+, sans la moindre raison", explique Céline Cres, qui enseigne également à Epinay.
"Quand on discute entre profs de sorties sur Paris, on entend souvent la même remarque: nos élèves ont été regardés de travers, alors qu'ils se sont extrêmement bien tenus, quand d'autres groupes chahutaient et qu'on ne leur a rien dit. Comme si on présupposait une mauvaise tenue des jeunes de banlieue", analyse-t-elle.
Ses élèves lui ont d'ailleurs confié qu'ils n'aimaient "pas aller sur Paris car ils ne s'y sentent pas bienvenus".
'Vous les surveillez de près, hein?'
Professeur de français à Saint-Denis, Anne Pellegrini n'a pas oublié cette remarque d'une responsable d'un haut lieu culturel parisien quand elle l'a vue "débarquer avec ses Terminale STI: +Vous les surveillez de près, hein?+".
Ni de cette autre sortie: "Dans la boutique du musée, les vigiles étaient sur le qui-vive et serraient mes élèves de près", raconte l'enseignante.
Pour le sociologue Fabien Truong, ces crispations renvoient à la "question des différences de codes sociaux par rapport aux objets culturels".
"Les jeunes de milieux populaires se sentent souvent écrasés par la grandeur des lieux. Prenez le Louvre, par exemple. Et quand on se sent écrasé, on essaie de relever la tête, on fait maladroitement face", avance-t-il.
De même, "on attend généralement des visiteurs qu'ils fassent silence alors que dans les milieux populaires, on apprécie souvent en étant bruyant, ce qui peut être perçu comme une marque de désintérêt ou d'irrespect".
Pour cet ancien prof de banlieue, auteur de "Jeunesses françaises, Bac+5 made in banlieues", "ces jeunes sont souvent éloignés des musées et le personnel des musées est à son tour très éloigné de ces jeunes-là".
"Nos agents de salle sont les parents de ces gamins", corrige la responsable d'un grand musée parisien, sous couvert d'anonymat.
Elle regrette que le "travail au long cours" réalisé par les équipes pour favoriser l'accès à la culture des élèves de milieux défavorisés soit occulté par ce genre d'incidents.
D'autant qu'il s'agit d'abord d'"un problème de groupe", qui concerne aussi des adultes: "Vous n'imaginez pas, ajoute-t-elle, le raffut que peuvent faire certains groupes de touristes étrangers!"
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