"Il y a incontestablement désormais un syndrome russe qu'on va retrouver de plus en plus dans notre politique étrangère, mais aussi intérieure", constatait récemment un ancien diplomate français, Pierre Vimont, chercheur à la fondation Carnegie Europe.
Les autorités françaises et certains candidats s'inquiètent depuis déjà quelques semaines des "velléités" d'ingérence de la Russie dans la campagne, soupçons catégoriquement rejetés par Moscou.
Mi-février, l'entourage d'Emmanuel Macron, le centriste favori des sondages pour l'élection, avait dénoncé la "propagande" de médias pro-Kremlin pour déstabiliser le candidat et s'était interrogé sur les nombreuses attaques informatiques contre son site de campagne. Le président François Hollande a dans la foulée réclamé un rapport sur les menaces de cyberattaques pesant sur l'élection.
Cette semaine, c'est le chef de la puissante commission du Renseignement du Sénat américain, chargée d'enquêter sur l'ingérence de la Russie dans la présidentielle américaine, qui a affirmé mercredi que Moscou était également "activement impliquée" dans la campagne électorale en France.
Les deux candidats les plus ardents défenseurs d'un rapprochement avec Moscou, François Fillon pour la droite et Marine Le Pen pour l'extrême-droite, ont estimé que ces accusations relevaient du "fantasme" pour le premier, du "complotisme" pour la seconde.
Mais le chef de la diplomatie Jean-Marc Ayrault a lancé vendredi une nouvelle mise en garde et assuré que ses collègues européens s'inquiétaient des "risques d'ingérence (russe) dans les prochaines consultations électorales", en France en avril-mai et en septembre en Allemagne.
Il a notamment évoqué la visite "en grande pompe" de Marine Le Pen à Moscou le 24 mars, où la candidate d'extrême droite a été reçue pour la première fois officiellement par le président Vladimir Poutine en personne.
"Ce n'est pas à la Russie de choisir qui sera le futur (...) président de la République française", a déclaré M. Ayrault.
Lever les sanctions
Comme aux Etats-Unis, la question des liens avec Moscou est le sujet principal de politique étrangère dans la campagne française.
Et comme aux Etats-Unis, où Donald Trump en campagne promettait à cor et à cri un rapprochement avec la Russie - promesse pour le moment gelée, compte tenu des accusations sur les liens controversés de son entourage avec Moscou -, trois des cinq principaux candidats français en font leur future priorité diplomatique.
Au nom de la lutte contre le "totalitarisme islamique" et du "réalisme" pour François Fillon. Pour lutter contre le terrorisme et en raison de "longue histoire" liant la France et la Russie selon Marine Le Pen, pour qui "Trump et Poutine appartiennent au nouveau monde".
A gauche, le tribun radical Jean-Luc Mélenchon prône un rapprochement au nom de la sécurité et de l'anti-impérialisme américain. "Le général de Gaulle s'est entendu avec Staline, il s'est également entendu avec Mao. Le moment venu, je trouverai bien le moyen de m'entendre avec monsieur Poutine, il s'agit d'empêcher que la guerre ait lieu sur le continent", a-t-il déclaré vendredi.
Emmanuel Macron et le candidat socialiste Benoît Hamon s'inscrivent eux dans la continuité de la politique menée par François Hollande, approuvant les sanctions contre Moscou dans la crise ukrainienne et rejetant un rôle à l'avenir pour le président syrien Bachar al-Assad, maintenu en selle par la Russie.
Si Marine Le Pen soutient ouvertement le "rattachement" de la Crimée en 2014 à la Russie, qualifiée d'annexion au terme d'un référendum jugé "illégal" par la communauté internationale, MM. Fillon et Mélenchon sont plus ambigus.
Le premier estime que la question de la Crimée doit être réglée dans le cadre de l'ONU mais avance "la question du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes", le second réclame "une conférence de sécurité de l'Atlantique à l'Oural pour négocier les frontières".
Mme Le Pen et M. Fillon sont en faveur d'une levée des sanctions contre la Russie, difficilement mais unanimement reconduites par les 28 membres de l'UE tous les six mois.
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