Le contraste avec la journée de jeudi ne pouvait être plus saisissant. Des centaines de personnes avaient alors bravé des heures durant une pluie battante pour hurler leur méfiance et leur "détermination" face à la préfecture de la Guyane, où Mme Bareigts et le ministre de l'Intérieur Matthias Fekl ont reçu dans l'après-midi leurs représentants.
Vendredi matin, un petit rayon de soleil éclairait les visages de quelques dizaines d'Amérindiens vêtus de rouge, certains portant des chapeaux à plumes, d'autres des habits traditionnels, qui étaient calmement rassemblés devant le bâtiment administratif. Les barrages restaient toutefois en place en Guyane et nombre de magasins étaient fermés.
"On n'a rien obtenu mais on a purgé de l'émotionnel. On a retrouvé une certaine dignité, un supplément d'âme", a résumé à l'AFP Stéphane Lambert, le président du Medef de Guyane, qui soutient le mouvement.
"Les conditions de la confiance sont là", s'est félicité jeudi soir Matthias Fekl, qui a rendu vendredi visite aux policiers et gendarmes basés à Cayenne pour saluer leur "implication", selon son entourage.
"Il s'est passé quelque chose de fort", a encore estimé M. Fekl, en référence aux excuses adressées au peuple guyanais.
Alors que les discussions avaient commencé dans une ambiance hostile, la ministre, critiquée pour avoir tardé à venir en Guyane, s'est d'abord excusée jeudi devant une délégation de Guyanais.
Puis, juchée sur le balcon de la préfecture, un mégaphone à la main, elle s'est adressée à la foule. "Au bout de tant d'années, c'est à moi que revient l'honneur de dire, au-delà de ma petite personne, au-delà des fonctions, toutes mes excuses au peuple guyanais", a-t-elle lancé, en référence à des années de sous-investissement de Paris dans ce territoire.
Cette demande de pardon, "nécessaire", permet d'"établir un dialogue serein et apaisé", relevait quelques heures plus tard Gauthier Horth, un opérateur minier.
"Humilité"
Mickaël Mansé, un porte-parole des "500 frères contre la délinquance", dont les militants, toujours encagoulés, encadrent le mouvement social, a salué "une leçon d'humilité et de bon sens", sur Guyane première. Ericka Bareigts a "blessé le peuple" et a eu "assez de recul pour s'excuser", a-t-il poursuivi.
La Guyane, vaste territoire d'Amérique du Sud (83.000 km2) situé à 7.000 km de Paris, connaît depuis une dizaine de jours un mouvement de contestation d'une ampleur historique, sur fond de revendications sécuritaires, économiques et sociales.
Mardi, ce département a connu "la plus grosse manifestation de son histoire", de l'aveu même de la préfecture, avec près de 15.000 marcheurs sur une population de 250.000 habitants. L'Union des travailleurs guyanais (UTG) avait voté samedi à la quasi-unanimité la grève générale illimitée qui a commencé lundi.
"Nous devons absolument être dans le rattrapage" sur les questions de l'électricité, du logement, du foncier, de la richesse ou encore de la jeunesse, a énuméré Ericka Bareigts, qui a souhaité "signer (des) mesures, pour qu'aucune élection n'arrête la progression dans laquelle nous sommes" pour la Guyane.
L'exécutif a déjà validé un certain nombre de décisions, telle la création d'un Tribunal de grande instance et d'un centre pénitentiaire à Saint-Laurent du Maroni, la deuxième ville du territoire. La fidélisation d'un escadron de gendarmes mobiles à Cayenne, et une aide de fonctionnement exceptionnelle de 20 millions d'euros l'hôpital de Cayenne ont également été actées.
Vendredi, la ministre des Outre-mer a promis des "retours très concrets" aux Amérindiens qu'elle recevait en termes de santé et d'éducation.
Alors que plus de 400 pages de propositions ont été apportées aux deux membres du gouvernement par la délégation de Guyanais, une "veille ministérielle" a été mise en place à Paris pour "parvenir à des arbitrages", selon M. Fekl.
A Paris, le secrétaire général du FN Nicolas Bay a jugé les excuses de Mme Bareigts "un peu anecdotiques", quand la porte-parole du mouvement La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, Raquel Garrido, a estimé que Mme Bareigts avait a "eu raison de s'excuser", mais qu'elle l'avait fait "un peu tard".
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