La période exposée concerne principalement les années 1930 à 1936. A cette époque, marié à sa première épouse, la ballerine russe Olga Khokhlova, mais éperdument amoureux d'une toute jeune femme, Marie-Thérèse Walter, rencontrée devant les Galeries Lafayette, l'artiste se sent à l'étroit à Paris, surtout pour la sculpture.
Il apprend qu'à une soixantaine de kilomètres de la capitale un château discret, dans le hameau de Boisgeloup, près de Gisors, est à vendre. Il va acquérir rapidement cet élégant domaine datant des XVIIe et XVIIIe siècle dont une pièce et d'anciennes écuries, devenues garages, vont lui servir d'atelier.
"C'est la première fois qu'il achète un domaine comme celui-là. Il a 50 ans, c'est déjà un peintre reconnu, il a un standing, un chauffeur, un cuisinier. Il a besoin d'un lieu pour se ressourcer", explique Sylvain Amic, directeur des musées de la métropole rouennaise, qui a voulu approfondir cette période foisonnante sur laquelle pourtant aucun livre n'a jamais été écrit, aucun film réalisé.
Ce vide est ainsi comblé au moyen de trois expositions, dans trois musées différents de Rouen, mettant en scène un total de 350 oeuvres, grâce à des prêts du Musée Picasso de Paris et de celui d'Antibes, ainsi que du Centre Pompidou.
Installé au milieu de la nature, Picasso - qui dit-on, ne jetait jamais rien - va avoir sous la main toutes sortes de végétaux et d'objets hétéroclites qui vont nourrir son insatiable génie créatif.
Au musée des Beaux-Arts, où se situe le coeur de l'exposition, on découvre de multiples collages, dont une très poétique "Composition au papillon", des gravures, de fines statuettes taillées au canif dans du bois de châssis, des fonds de boîtes en carton perforées pour en faire des masques en plâtre et autres créations surprenantes.
Tout cela aux côtés d'oeuvres plus volumineuses: sculptures pleines et massives en ciment et en plâtre, toiles, souvent très érotiques où l'on devine toujours Marie-Thérèse, aux formes déformées ou restructurées.
"C'est une sorte d'alchimie qui se produit à Boisgeloup. C'est un jaillissement perpétuel, un laboratoire de formes et d'inventions", estime M. Amic.
"Picasso va s'essayer à la technique de l'empreinte, celle de l'assemblage et va avoir à sa disposition toute une nouvelle palette de matériaux issus de son environnement local. Il va utiliser tout ce qui pouvait lui tomber sous la main", explique Virginie Perdrisot du Musée Picasso de Paris, commissaire de l'exposition.
- Un château entrouvert -
"Les formes que Picasso invente à Boisgeloup se retrouvent dans sa production ultérieure", ajoute-t-elle.
Une production ultérieure qui concernera aussi la céramique et la sculpture en fer, domaines exposés dans deux autres musées.
Au Musée de la céramique, une spécialité rouennaise ancestrale, sont montrées des oeuvres du musée d'Antibes avec lesquelles l'artiste transforme souvent des objets utilitaires (pichets, cruches, tomettes, poêlons à châtaignes, vases) en figures sculpturales.
Le musée Le Secq des Tournelles, qui renferme une étonnante collection de ferronnerie, expose des oeuvres de l'artiste catalan Julio Gonzàlez (1876-1942), considéré comme le fondateur de la sculpture en fer moderne, dont l'oeuvre fut nourrie par sa collaboration et son amitié avec Picasso.
A l'occasion de cette "Saison Picasso" à Rouen, il y a aussi la possibilité pour le public de visiter gratuitement le château de Boisgeloup, que Bernard Picasso, un des petits-fils héritiers, a accepté d'entrouvrir.
Les passionnés pourront ainsi, pendant quatre samedis (8-22 avril, 13-27 mai) pénétrer dans les ateliers et le pigeonnier du domaine et admirer la magnifique Hispano-Suiza noire de l'artiste, voiture de luxe suisso-espagnole de l'époque.
"Il ne s'agit pas de faire de Boisgeloup un lieu de mémoire mais de montrer ici d'autres artistes, l'histoire de l'art continue", explique Bernard Picasso qui y expose actuellement des oeuvres du New-Yorkais Joe Bradley.
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