"Nous et les autres, des préjugés au racisme" qui ouvre ses portes vendredi à Paris, aborde ce sujet sensible "sans tenir de discours moralisateur", explique à l'AFP Evelyne Heyer, commissaire scientifique de l'exposition.
"Nous avons cherché à offrir des boîtes à outil aux visiteurs pour les aider à décrypter le racisme", ajoute ce professeur d'anthropologie génétique. L'exposition est "engagée mais pas militante".
Portée par une scénographie immersive, l'exposition, qui se tient sur 650 m2 jusqu'au 8 janvier 2018, présente très peu d'objets. Elle invite le public à vivre différentes "expériences", "à travers les sens, la connaissance et la conscience", indique Anne Stephan, responsable des expositions temporaires au musée.
Le visiteur passe d'abord dans une salle où sont projetées à 360 degrés des images de personnes que l'on peut croiser tous les jours en ville. Spontanément, on va les "catégoriser" en fonction de marqueurs physiques, sociaux, religieux. "C'est naturel. On a tendance à mettre les gens dans des boîtes", relève Mme Heyer.
Le public est ensuite invité à tester ses éventuels préjugés à partir de bornes multimédias. Nous nous identifions souvent à un groupe d'appartenance et il est fréquent de favoriser les personnes qui en font partie, souligne Mme Stephan.
Un des moteurs du racisme tient dans le processus d'"essentialisation" qui tend à réduire un individu à des particularités morales et comportementales "immuables" dont il hériterait de manière "naturelle". "Tu appartiens à tel groupe, tu es donc un voleur".
La tolérance augmente
L'exposition convoque ensuite l'histoire pour explorer la construction de la notion de "race" qui a accompagné les conquêtes coloniales occidentales. Les Européens se sont appuyés sur une prétendue supériorité de la "race blanche" pour dominer d'autres peuples, allant jusqu'à l'esclavagisme.
A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, la science s'en mêle, en classant la diversité de l'espèce humaine. Joseph Gobineau théorise la hiérarchisation des "races" en 1853 mais l'Italien Joseph Firmin lui répond trente ans plus tard avec son ouvrage "De l'égalité des races humaines".
Le racisme institutionnalisé est illustré par trois exemples: la ségrégation raciale aux Etats-Unis, l'Allemagne nazie, les massacres au Rwanda en 1994.
L'exposition apporte un éclairage efficace sur la question des gènes. Depuis les années 1970, la génétique a démontré que la notion de "race" n'était "pas pertinente" pour l'espèce humaine, déclare Mme Heyer.
Deux individus sont à 99,9% identiques par leur génome. Il y presque autant de différences entre deux Européens d'un même village qu'entre un Européen et quelqu'un vivant à l'autre bout de la planète.
Et la France dans tout cela? Côté intégration, si 93% des enfants d'immigrés se sentent français, 24% sont convaincus de ne pas être perçus comme Français. Mais les deux tiers ont formé un couple avec "une personne de la population majoritaire".
Globalement, "la tolérance augmente", selon la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH). Le groupe le moins bien "toléré" est celui des Roms. En revanche, "les attentats terroristes n'ont pas conduit à une augmentation de l'intolérance face à la population musulmane", assure Mme Heyer.
L'exposition se tient à l'écart des débats politiques actuels. "A cause de la campagne électorale, nous sommes tenus à une neutralité", note l'anthropologue.
Mais ce n'est pas un problème, selon elle. Car "notre idée, c'est d'expliquer les mécanismes du racisme", afin que le visiteur puisse s'interroger ensuite sur la teneur de certains discours, sur les stéréotypes qu'ils véhiculent, ajoute-t-elle.
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