Quand Charline Vanhoenacker et Alex Vizorek (France Inter et Paris première), tous deux journalistes de formation, manient l'humour dans un journal ou une émission politique, il y a un "brouillage parfait des codes", fait valoir Isabelle Veyrat-Masson, chercheuse au CNRS. "Et ça c'est nouveau", dit-elle.
Ils complètent la parole journalistique, selon elle, et signent "l'apparition d'un nouveau journalisme", traitant de questions sérieuses de politique ou de société "sur un ton et un vocabulaire nouveaux".
L'humour "éclaire les faits de façon aussi pertinente que les éditocrates et il fait fonction de lubrifiant social dans les situations les plus délicates", écrit Charline Vanhoenacker dans son livre "Bonjour la France".
Les candidats à l'élection présidentielle n'apprécient pas toujours. En octobre, à l'issue d'une intervention de Charline Vanhoenacker dans l'Emission politique sur France 2, François Fillon (LR) avait déclaré "n'être pas totalement convaincu que ce soit particulièrement approprié de conclure une émission politique de cette manière".
Les chroniques de l'humoriste Nicole Ferroni, sur France Inter sont "de vrais éditos", juge Isabelle Veyrat-Masson, pour qui "ce n'est que le ton et le vocabulaire qui les distingue".
'collabo de la rigolade'
Ce "nouveau journalisme" fait son apparition alors que le paysage de l'humour politique a totalement changé, explique Christian Delporte, historien de la presse.
"+Les Guignols de l'info+, c'est fini, Guy Bedos est trop vieux, il n'y a plus de chansonnier comme Jean Amadou", dit-il à l'AFP.
Mais, pour cet historien, l'humoriste-journaliste c'est une tradition bien française. "On la retrouve dans la presse écrite avec Plantu" et ses dessins en première page du très sérieux quotidien Le Monde, poursuit-t-il.
Le dessinateur emblématique du Figaro, Jacques Faizant (1918-2006), "a eu le premier ce statut de caricaturiste éditorialiste" et se considérait d'ailleurs lui-même davantage comme un journaliste que comme un caricaturiste, souligne Christian Delporte.
"J'ai coutume de dire que les humoristes politiques sont des journalistes de complément", dit à l'AFP l'humoriste Didier Porte, sur Europe 1 depuis la rentrée.
Il souligne cependant les limites de son métier: "Nous sommes des francs-tireurs, on peut ouvrir un peu la voie de temps en temps, mais aucun humoriste n'a jamais fait tomber un politique". "Médiapart a fait tomber (Jérôme)Cahuzac".
L'humoriste Alex Vizorek, lui, se souvient d'avoir chargé Vincent Peillon, auteur de romans policiers, sur France Inter. "Mais qui a tué le parti socialiste ? J'essayais de trouver le coupable...". "L'idée est de surprendre les gens". Et de les faire rire aussi.
"C'est plus complexe avec l'extrême-droite", selon lui, "on court le risque d'être perçu en collabo de la rigolade".
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