Comme ceux de France, Suisse ou Belgique, les quelque 1,4 million d'électeurs turcs en Allemagne ont jusqu'au 9 avril pour voter. Dès les premières heures du scrutin lundi, devant les consulats de Berlin et de Cologne (ouest), ils se pressaient en nombre.
Après avoir passé les contrôles de sécurité devant les grilles de l'édifice berlinois, les électeurs doivent faire leur choix en apposant un tampon sur la partie "oui" à la hausse des pouvoirs du président Recep Tayyip Erdogan, ou sur la partie "non" de leur bulletin.
Mais aucune question spécifique ne leur est en fait posée car, selon le Haut-Conseil électoral (YSK) de Turquie interrogé par l'AFP, "ces propositions sont dans la sphère publique depuis plusieurs mois et sont donc connues".
En Allemagne, les deux camps semblent mobilisés, d'autant que cet électorat représente près de la moitié des Turcs expatriés et habilités à voter. Une manne donc pour les opposants comme les partisans de M. Erdogan.
'Nazisme'
Devant les barrières de sécurité installées à l'entrée du consulat berlinois, Aslan Ismael vilipende "les médias allemands et les responsables politiques allemands qui veulent (la victoire) du non", reprenant là le discours d'Ankara. Il se plaint en particulier de l'interdiction faite à des ministres turcs de participer à des rassemblements électoraux en Allemagne.
"Ces responsables de haut rang voulaient venir nous expliquer ce que contiennent les réformes" sur lesquelles porte le référendum, martèle M. Ismael, défendant son président. "En Allemagne, le principe de la liberté d'expression est très important et il n'a pas été respecté" pour nous, déplore-t-il.
Furieux que les autorités allemandes aient annulé des meetings électoraux sur leur sol en faveur du oui, M. Erdogan a multiplié les diatribes, accusant notamment la chancelière allemande Angela Merkel de "pratiques nazies".
L'objectif, selon des analystes, était de mobiliser ses partisans avant ce scrutin, prévu le 16 avril en Turquie, quitte à durablement compliquer les rapports avec l'Union européenne, en particulier l'Allemagne.
Tout en ayant voté "non" au référendum, Sirin Manolya Sak, née à Berlin, estime que ces tensions "ont été attisées des deux côtés". Elle regrette que Turcs et Allemands "qui vivent ensemble depuis 60 ans en Allemagne, entretiennent des relations de voisinage, d'amitié ou sont des collègues au travail se disputent aujourd'hui".
Sa crainte est que les Allemands jugent désormais l'intégration des Turcs à l'aune de leurs convictions politiques.
'Marche vers la dictature'
"Il est très dommage (...) que tout à coup on se demande si certains sont intégrés ou pas, juste parce qu'ils votent ceci au cela", explique la jeune femme, portant blouson de cuir et grands anneaux dorés aux oreilles.
Pour d'autres, là n'est pas l'essentiel : les trois millions de Turcs vivant à l'étranger ont pour mission d'aider à empêcher une dérive dictatoriale en Turquie. La Communauté turque d'Allemagne (TGD), l'une des principales organisations de la diaspora, a ainsi lancé une campagne pour dire non afin "de mettre un terme à un recul conséquent de la démocratie".
S'il se dit "désolé" que les relations entre l'Allemagne et la Turquie se soient à ce point tendues ces dernières semaines, Hussein Saregul se montre avant tout inquiet pour son pays. "J'ai voté pour la démocratie!", s'exclame-t-il à la sortie du consulat berlinois.
Installé depuis huit ans et venu spécialement de Dresde, à près de 200 km de la capitale, avec sa famille pour voter dès lundi, il dénonce un référendum "fait que dans l'intérêt d'un homme". "C'est une marche vers la dictature. (...) Nous espérons que le non" va l'emporter, insiste-t-il.
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